Fadela Benrabia, préfète déléguée pour l’égalité des chances auprès du préfet de Seine-Saint-Denis.

Solennellement, Fofana égrène les noms des personnes venues recevoir leur décret de naturalisation. Elles sont une quarantaine, mardi 3 octobre, dans le hall du lycée professionnel Théodore-Monod de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis). Dans le lieu, pavoisé de drapeaux français, la jeune fille de 18 ans se concentre sur chacune des syllabes. Ses camarades observent la scène, attentifs.

Jupe noire et veste impeccable, Oumayma, une autre élève, qui vient tout juste de chanter La Marseillaise face au public, l’admet : « Ça fait quelque chose de voir une cérémonie de naturalisation dans notre lycée, et de voir l’émotion des gens. » C’est une première dans un établissement scolaire : habituellement, ces célébrations d’entrée dans la communauté nationale ont lieu dans les préfectures.

A l’appel de leur nom, les nouveaux citoyens français se lèvent et rejoignent, face à l’assemblée, Fadela Benrabia, préfète déléguée à l’égalité des chances. En quelques mots, elle retrace leurs parcours. Ici, un ingénieur informatique arrivé de Chine il y a sept ans ; là, un cuisinier venu du Mali, qui veut fonder une famille avec sa compagne, rencontrée en France…

Assise au fond de la salle, une trentenaire naturalisée à l’instant retient son souffle. D’origine centrafricaine, Sandy habite en France depuis son enfance : « C’est un moment particulier pour moi, je suis très émue, souffle l’auxiliaire de vie de 31 ans. Et puis, que ça ait lieu dans un lycée et pas à la préfecture, c’est encore plus symbolique, car l’école c’est le lieu par excellence des valeurs de la République, comme l’égalité. »

Un objectif de transmission

Un rendez-vous très symbolique aussi pour la centaine d’élèves qui l’ont longuement préparé : « Cet événement s’inscrit dans la lignée des nombreux projets menés dans notre lycée autour de la citoyenneté », rappelle le proviseur, Fabien Eudes.

En amont de cette cérémonie, les élèves ont d’abord étudié l’histoire de la citoyenneté française. « Peu de gens savent que, pendant un certain temps, les femmes françaises qui se mariaient avec une personne d’une autre nationalité devenaient elles-mêmes étrangères », dit Samia Essaaba, professeure d’anglais, qui a coorganisé le projet.

« Quoi de mieux qu’une expérience pratique, concrète, pour montrer ce que signifie “devenir français” ? »

Ses élèves ont également découvert les parcours de personnalités célèbres et de leurs familles, comme le chanteur Charles Aznavour, descendant d’Arméniens. « L’idée, c’est de leur montrer qu’au fond ce sont des gens comme beaucoup d’autres, qui se sont battus avant de pouvoir devenir ce qu’ils sont aujourd’hui, explique Mme Essaaba. Ce travail rappelle à tous l’importance de manier le drapeau sans arrière-pensées, de s’impliquer. »

C’est la préfète déléguée, Fadela Benrabia, qui a proposé ce projet, qu’elle entend reproduire à Saint-Ouen et à Clichy-sous-Bois l’année prochaine. Elle-même ayant acquis la nationalité française par naturalisation, elle a eu envie de faire de cette cérémonie un moment de transmission. « Devenir français, c’est un engagement à un mode de vie, qui permet de gravir toutes les échelles, explique la représentante de l’Etat. Et quoi de mieux qu’une expérience pratique, concrète, pour montrer ce que signifie “devenir français” ? C’est une véritable leçon d’éducation civique. »

Des messages d’espoir

En plus de leur participation à la cérémonie, les élèves ont organisé une exposition. On y découvre notamment des photographies en noir et blanc où plusieurs d’entre eux avancent, face à l’objectif, des messages forts autour de la tolérance, de la citoyenneté et contre les discriminations.

Chikh, élève de terminale, a choisi de poser avec une feuille blanche sur laquelle est inscrit un message : « La France est une chance pour tous. » Une inscription qui a une résonance particulière pour lui : « Je suis arrivée d’Algérie il y a quatre ans. La France me permet de continuer mes études. Ici, j’ai accès à tous les moyens pour étudier et passer le baccalauréat cette année. » Il est chargé de l’accueil des personnes venues assister à la cérémonie.

Non loin de là, une de ses camarades explique fièrement qu’elle va déposer sa demande de naturalisation « aujourd’hui même ». Portugaise, elle insiste sur un point : elle ne souhaite pas devenir française par facilité administrative, mais pour appartenir symboliquement à la communauté nationale. Et peut-être, un jour, revivre une cérémonie comme celle-là.

En 2016, plus de 119 000 personnes ont été naturalisées en France.