Trente personnes sont mortes de la peste à Madagascar depuis le mois d’août sur les 194 cas détectés selon le dernier communiqué publié par le ministère de la santé, mardi 3 octobre. Si l’épidémie ressurgit régulièrement à cette période de l’année, elle n’est cette fois-ci pas cantonnée aux zones rurales et a gagné les villes, à commencer par la capitale, Antananarivo, où 10 décès ont été enregistrés. Le grand port de Toamasina, deuxième agglomération du pays, est également touché.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère qu’il existe un « risque élevé de propagation au niveau national ». « L’OMS est préoccupée par le fait que la peste se répande car elle est déjà présente dans plusieurs villes et c’est seulement le début de la saison épidémique », a admis Christian Lindmeier, l’un des porte-parole de l’organisation lors d’un point presse au siège de l’organisation, à Genève.

L’OMS a libéré un fonds d’urgence de 300 000 dollars (255 158 euros) et lancé un appel pour mobiliser 1,5 million de dollars supplémentaires. Du personnel a été envoyé en renfort sur le terrain et la fourniture de stocks d’antibiotiques et de matériel de protection, essentiellement des masques et des produits de désinsectisation, devraient suivre. Le ministère de la santé a mis en place un numéro vert pour signaler les cas suspects et orienter les malades vers les centres de santé où ils seront pris en charge gratuitement.

Ces mesures ne sont toutefois pas suffisantes pour apaiser l’inquiétude de la population. Dans la capitale, les pharmacies sont prises d’assaut. Les ventes de Cotrim, un médicament à base de sulfamide censé prévenir l’infection, ont explosé et se revendent désormais au marché noir. La communication du gouvernement est critiquée. « On nous dit de porter un masque puis on nous dit que ce n’est pas nécessaire. Nous ne savons pas quoi faire », avoue un avocat sans dissimuler son abattement : « Madagascar n’avait pas besoin de cela. Connaître la peste au XXIe siècle, c’est humiliant. »

Maladie de la misère

Madagascar est, avec la République démocratique du Congo, un des principaux pays où cette « maladie de la misère » reste endémique. Entre 400 et 600 cas sont enregistrés chaque année entre septembre et mars. La peste est entrée dans le pays en 1898, à partir de Toamasina, suite à l’escale d’un bateau venant d’Inde. Elle a ensuite gagné les hautes terres centrales et Antananarivo. Après plusieurs décennies de flambées meurtrières, l’infection colportée par les rats était progressivement tombée en sommeil grâce au progrès des traitements et de la prise en charge. Avant d’émerger à nouveau dans le paysage sanitaire au début des années 1980.

L’épidémie actuelle comprend les deux formes de l’infection : la peste bubonique véhiculée par les rats infectés à travers des piqûres de puce et la peste pulmonaire transmise de personne à personne par la toux. La propagation des campagnes vers les villes de Yersinia pestis, le bacille responsable de la peste, a été favorisée par la déforestation et les feux de brousse. Mais, en ville, l’absence de réseaux d’assainissement et de collecte de déchets satisfaisants alimente à son tour la prolifération des rongeurs. A Antananarivo, la responsabilité de la municipalité chargée du ramassage des ordures a été mise en cause par le gouvernement.

Pour l’heure, l’OMS écarte le risque d’extension de l’épidémie hors des frontières même si parmi les victimes figure un entraîneur de basket seychellois présent dans l’île pour la coupe des clubs champion de l’océan Indien. Il est décédé dans un hôpital de la capitale le 27 septembre. Toutes les manifestations et les rassemblements publics ont depuis été interdits.