L’avis du « Monde » – pourquoi pas

Depuis l’assassinat de son fils, le maréchal des logis chef Imad Ibn Ziaten, par Mohamed Merah, le 11 mars 2012, Latifa Ibn Ziaten est devenue une figure politique. Non qu’elle ait brigué un mandat électoral ou rejoint une formation : elle a décidé d’occuper un espace vide, en tant que Française musulmane attachée à la laïcité.

Les documentaristes Cyril Brody et Olivier Peyon la suivent dans cette course incessante qu’elle mène, de collèges en centres de détention, dans l’espoir de préserver la jeunesse du terrorisme, de la radicalisation. Leur film oscille, selon les séquences, entre l’approbation sans réserve et l’observation attentive d’un phénomène hors norme. Le premier versant, qui montre Latifa Ibn Ziaten comme un exemple à suivre – une femme marocaine qui a appris à lire, qui s’est délibérément éloignée de sa communauté pour assimiler la vie à la française – ressemble trop à certains reportages réalisés pour les chaînes hertziennes, au fil desquels les journalistes se rendent avec armes et bagages à leur sujet.

Réactions et limites

Reste l’autre moitié du film, celle qui s’attache moins à la figure de Latifa Ibn Ziaten qu’aux réactions qu’elle suscite. La hargne que lui témoignent des militants laïcs réunis au Sénat, par exemple. Ils veulent lui enlever son foulard, tout comme le voudrait cet interlocuteur anonyme qui laisse des menaces de mort sur le répondeur de l’association qu’a fondée Mme Ibn Ziaten. Celui-là voudrait la dévoiler parce qu’elle n’est pas une vraie musulmane.

Plus passionnante encore est l’amorce de dialogue qui s’engage dans une prison provençale où un jeune homme l’accueille comme une sauveuse, lui qui se sent bien seul au milieu de ses codétenus radicalisés. Le film de Brody et Peyon se tient en revanche prudemment à distance des limites que l’on devine à cette infatigable activité. Les réalisateurs ont suivi Latifa Ibn Ziaten au Maroc, en Chine et en Israël et dans les territoires palestiniens. Là, elle voudrait organiser un voyage d’enfants juifs et arabes à Paris. Elle est désarçonnée par le refus même pas poli de l’Autorité palestinienne; mais plutôt que de montrer comment elle est arrivée à le contourner, le film se contente de montrer brièvement le voyage qui a finalement eu lieu, sans que l’on sache à quelles conditions.

LATIFA, LE COEUR AU COMBAT - Bande annonce
Durée : 01:57

Documentaire français de Cyril Brody et Olivier Peyon (1 h 37). Sur le Web : www.hautetcourt.com/film/fiche/288/latifa-le-coeur-au-combat