A Al-Choula, au sud-ouest de Deir ez-Zor, le 8 septembre.

Présentés comme « Russes », deux hommes capturés par l’organisation Etat islamique (EI) le 16 septembre dans la ville d’Al-Choula, dans l’est de la Syrie, sont apparus dans une vidéo du groupe djihadiste. Ils ont été identifiés mercredi 4 octobre par une milice paramilitaire russe, une association d’anciens combattants et par leurs proches.

Le ministère de la défense russe avait, à l’époque de leur capture, démenti l’annonce de l’EI, assurant que tous ses « soldats sont sains et saufs et poursuivent leur mission ». Mercredi 4 octobre, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a exigé « des preuves plus fiables » qui confirmeraient la nationalité russe des personnes figurant dans la vidéo. « Les services russes appropriés vont utiliser tous les moyens pour établir leur nationalité. »

Dans cette vidéo, diffusée par l’agence de propagande Amaq mardi 3 octobre, les deux hommes, dont l’un a été brutalisé, se bornaient à décliner en langue russe leur identité, année de naissance et ville d’origine. Curieusement, leurs geôliers ne leur ont fait préciser ni leur grade ni l’unité à laquelle ils appartenaient, contrairement à ce que fait habituellement le groupe djihadiste quand il exhibe des « soldats ennemis ». L’explication : ce sont des mercenaires. Des hommes qui travaillent pour des compagnies de sécurité russe et qui combattent en Syrie.

L’un des deux prisonniers est « notre cosaque Roman Zabolotniï », a déclaré à l’AFP Lioubov Bondar, la porte-parole de l’Organisation paramilitaire des cosaques du Don, une milice ultranationaliste basée à Rostov-sur-le-Don (sud) et proche du pouvoir russe. Selon le site d’informations RBK, Roman Zabolotniï a d’ailleurs participé à une manifestation visant à empêcher la tenue d’un meeting de l’opposant Alexeï Navalny à Rostov-sur-le-Don le 8 avril.

« La paie » comme motivation

Plus tôt dans la journée, Boïevoïe Bratstvo, une association d’anciens combattants, avait affirmé que « le groupe terroriste EI a diffusé une vidéo montrant deux citoyens russes capturés. L’un d’entre eux est notre camarade (…) Grigori Tsourkanou ».

Joint par plusieurs médias russes, le frère de Grigori Tsourkanou rapporte que cet ancien membre des troupes aéroportées s’était rendu plusieurs fois en Syrie depuis 2012-2013 et a combattu dans l’est de l’Ukraine aux côtés des séparatistes russes en 2014. Sa motivation : « la paie », selon M. Tsourkanou, qui explique que ces hommes, bien rétribués, signent des contrats avec des clauses de confidentialité.

L’été 2016, le journal RBK Daily, qui avait enquêté sur ces compagnies de sécurité, estimait à un millier le nombre de mercenaires russes qui ont combattu dans le pays.

Arrivés en Syrie en 2012 et au départ utilisés pour garder des installations pétrolières, dans la région de Homs ou de Deir ez-Zor, ils participent désormais directement aux combats, encadrant des unités des forces gouvernementales.

« Mon frère s’est ainsi rendu plusieurs fois en Syrie avec le “Groupe Wagner” », a confirmé M. Tsourkanou. Sous ce nom de code, le pseudo de son responsable, Dmitri Outkine, un ex-officier du GRU – le renseignement militaire –, ces hommes ont participé aux combats dans l’est de l’Ukraine, puis à partir de 2015 en Syrie. Avant le « Groupe Wagner », la présence d’une autre société de sécurité russe, immatriculée à Hongkong, avait été signalée dans le pays : « Corps slave ». Aucun bilan des pertes de ces armées privées, le pendant russe des Blackwaters américains intervenus en Irak, n’a jamais été révélé.