Manifestation en faveur du référendum catalan, le 16 septembre, à Bilbao (Pays basque). / Alvaro Barrientos / AP

Après la Catalogne, la vague indépendantiste va-t-elle toucher le Pays basque ? Alors que la question de l’autodétermination a agité la région du nord de l’Espagne pendant plus de quarante ans, les Basques observent avec intérêt, mais prudence, la situation à Barcelone.

Mi-septembre, plus de 30 000 personnes se sont rassemblées à Bilbao pour apporter leur soutien au référendum convoqué par le gouvernement catalan. Le scrutin du 1er octobre, ainsi que la réponse musclée apportée par le gouvernement espagnol, pourrait-elle réveiller les velléités d’indépendance des Basques, mises en sommeil ces dernières années ?

« C’est une séquence positive pour les indépendantistes basques, estime Jean-Pierre Massias, professeur de droit public à l’université de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) et spécialiste de la question basque. Ils ont désormais un exemple, un précédent, sur lequel ils pourront s’appuyer. »

Pour Gorka Landaburu, directeur du mensuel espagnol Cambio 16 et expert sur le sujet basque, le référendum catalan est bien « une bonne nouvelle pour les indépendantistes », mais pas pour tous les Basques. « Les indépendantistes représentent environ de 20 à 30 % de la population. Le reste n’a pas épousé la cause catalane, précise-t-il. Ils ne sont pas d’accord avec ce processus, ça leur rappelle de mauvais souvenirs. »

Les Basques restent encore marqués par les décennies de violence et de terrorisme perpétrés par les séparatistes d’ETA, même si l’organisation a renoncé à son activité armée en 2011.

« Depuis, la situation est apaisée, donc les Basques ne veulent pas revenir en arrière. Ils ont assez souffert à cause de cette question d’indépendance. Ils sont vaccinés contre les aventures pas très précises. »

Une plus grande autonomie que la Catalogne

Cette volonté de rester une région espagnole s’explique aussi par le fait que le Pays basque jouit d’une plus grande autonomie que la Catalogne. « Le Pays basque est sûrement la région qui a le plus de pouvoir en Europe, explique M. Landaburu. Ils ont notamment ce qu’on appelle le “concierto economico” qui permet au gouvernement basque de récolter et de gérer leur propre impôt. Ils sont autonomes par rapport à Madrid grâce à cela. Et ils gèrent aussi leur police, l’école, la santé… »

Mais cette absence de volonté d’indépendance n’empêche pas le gouvernement basque, géré par le Parti nationaliste basque (PNV, modéré) avec le soutien du Parti socialiste espagnol (PSOE), de réclamer plus de compétences vis-à-vis de l’Etat espagnol (gestion des prisons, de la Sécurité sociale, etc.). En position de force face au premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, qui a besoin des voix des députés du Parti basque pour obtenir la majorité au Parlement, le président du PNV, Iñigo Urkullu, privilégie le dialogue avec Madrid.

Après les images des violences policières du dimanche 1er octobre et la réponse ferme de Madrid face aux indépendantistes catalans, les cinq députés du PNV ont d’ailleurs annoncé qu’ils ne voteraient pas, pour le moment, le budget 2018, empêchant M. Rajoy d’avoir une majorité.

« On est dans l’affect, l’irrationnel »

Pour autant, le PNV se trouve « dans une posture compliquée », selon Jean-Pierre Massias. « Ce parti joue la carte du pragmatisme, du dialogue, mais ils peuvent se retrouver débordés par une vague indépendantiste qui peut toucher tous les secteurs de la société basque, estime-t-il. On le voit en Catalogne, on est dans l’affect, l’irrationnel, on ne peut rien pour contrer ce genre de sentiment. » Et l’intransigeance de M. Rajoy face au gouvernement catalan n’est « pas de bon augure pour le PNV », estime M. Massias, notamment sur la question du sort des prisonniers basques.

La situation de ces personnes, condamnées ou en attente de jugement pour des affaires liées au terrorisme basque, est aujourd’hui au cœur des négociations entre Madrid et le gouvernement basque qui souhaite que ces détenus, parfois emprisonnés en France, puissent se rapprocher de leur famille.

Et pour MM. Massias et Landaburu, contenir les volontés d’indépendance des Basques et des Catalans passe par leur accorder plus d’autonomie, par la voie d’une révision de la Constitution, mise en place à la suite de la mort de Franco en 1975. « Il faut revoir et moderniser la Constitution pour donner plus d’autonomie aux régions », avance Gorka Landaburu.

Jean-Pierre Massias se fait plus précis : « L’Espagne va sûrement devoir évoluer vers un système fédéral avec des nations, et non plus des nationalités, comme en Grande-Bretagne, estime M. Massias. Mais l’Espagne aurait dû le faire bien avant. » Pour le professeur de droit public, cette évolution permettrait ainsi « de donner un espace d’expression et d’identité plus important aux nationalistes ».