L’Américain Ron Gilbert est le pape du jeu d’aventure graphique. De 1987 à 1993, au sein du studio LucasArts, il a posé les bases d’un genre qui mêle enquête et humour, réflexion et graphismes à la pointe de la technologie d’alors. Avec le graphiste Gary Winnick, il a notamment donné naissance aux œuvres cultes Zak McKracken, Loom ou encore Day of the Tentacle.

La première collaboration de Gilbert et Winnick, Maniac Mansion, a été publiée il y a trente ans ce 5 octobre. Quant à leur dernier jeu, le tout récent Thimbleweek Park, déjà disponible sur PC, consoles et iOS, il connaîtra le 10 octobre une sortie sur Android.

Pixels s’est saisi de ce double prétexte pour interroger le père du jeu d’aventure graphique sur ce qui fait le charme (et les limites) des jeux vidéo « à l’ancienne ».

Thimbleweed Park Ray Trailer
Durée : 01:38

Au-delà de la question de la nostalgie, qu’est-ce qui intéresse les développeurs dans le fait de créer des jeux rétro ?

Ils sont plus simples à faire. Une fois que vous commencez à faire de la 3D, ou même de la 2D complexe, vous pénétrez dans un monde de travail et de souffrance. Pour beaucoup de petits développeurs, un projet rétro est plus simple à aborder. Et puis, par ailleurs, et c’est peut-être le plus important, beaucoup de ces développeurs indé ont grandi avec ces jeux, ou les voient comme l’âge d’or du jeu vidéo. Leur but est d’essayer d’atteindre cet idéal.

Peut-être aussi que les jeux d’aventure à l’ancienne vous permettent de vous exprimer différemment ?

Les jeux étaient plus simples à l’époque. Je pense que cette simplicité nous aide à rester concentrés sur la conception, l’histoire, les énigmes. Ils ont aussi un cachet, un charme, qui a disparu de la plupart des jeux modernes.

Cela doit tout de même être plus compliqué qu’il n’y paraît ?

En règle générale, je ne pense pas. Cela pose les mêmes questions techniques ou design que les jeux récents. Pour Thimbleweed Park, nous voulions garder l’interface à l’ancienne, avec ses verbes, et ça n’a pas été évident, notamment parce que ce genre d’interface a depuis longtemps été remplacée par des curseurs intelligents [dans les jeux d’aventure moderne, le personnage principal « sait » de quelle façon interagir avec un élément du décor selon sa nature, sans qu’il y ait besoin de préciser s’il doit tirer, pousser, parler, prendre, etc.]. C’était une petite marche qu’il a fallu rendre accessible aux joueurs.

Comment s’assurer qu’un jeu rétro reste une expérience ludique pertinente et pas juste un hommage ?

Ce qu’il faut faire, c’est tenter de reproduire les aspects charmants du jeu rétro, tout en se débarrassant de tous les choix de design pénibles que l’on a appris à contourner avec les années. Comme on aime à le dire à propos de Thimbleweed Park : il s’inspire des souvenirs que vous avez de ces jeux, pas de ceux qu’ils étaient réellement.

Est-ce qu’il y a un public pour les jeux rétro, en dehors des grands noms comme les vôtres ?

Ce n’est pas simplement un défi pour les nouveaux venus. Tous les créateurs qui s’attaquent aux jeux rétro s’attaquent surtout à une montagne à gravir. Il faut se frotter à beaucoup d’idées préconçues. Beaucoup de gens vont regarder les graphismes rétro et décider, sans même l’essayer, que ce jeu n’est pas pour eux. Il faut alors redoubler d’efforts, faire un jeu vraiment bon. Regardez Stardew Valley. On dirait un jeu 8 bits et il a pourtant vendu des millions de copies.