Veolia s’est fixé pour objectif de passer de 200 millions à 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires dans le recyclage des plastiques en 2025 (hors collecte et tri). / CHARLY TRIBALLEAU / AFP

L’enjeu environnemental est considérable. Si rien n’est fait, « le tonnage de plastiques dans les océans dépassera celui des poissons en 2050 », s’alarme Rob Opsomer, directeur de l’Initiative pour une nouvelle économie du plastique au sein de la Fondation Ellen MacArthur. Et le marché de leur recyclage est à la mesure de ce défi écologique. Les dirigeants de Veolia l’ont bien compris et veulent accélérer le développement de cette activité au moment même où l’Union européenne et la France préparent des mesures de soutien à l’économie circulaire.

Antoine Frérot, PDG du numéro un mondial de la gestion de l’eau et des déchets, a annoncé, jeudi 5 octobre, que son groupe s’est fixé pour objectif de passer de 200 millions à 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires dans le recyclage des plastiques en 2025 (hors collecte et tri). A peine 2 % d’un marché mondial qui, à un rythme de croissance de 6,9 % par an, pèsera alors 57 milliards de dollars (48,6 milliards d’euros).

Une production d’1,1 milliard de tonnes de plastiques en 2050

Les industriels et la grande distribution n’ont en effet jamais utilisé autant de matières plastiques (PVC, polypropylène, polystyrène…). Leur production annuelle devrait être multipliée par quatre d’ici au milieu du siècle pour atteindre 1,1 milliard de tonnes en 2050, tirée notamment par la demande chinoise. Leur fabrication absorbera alors un cinquième de la production pétrolière mondiale (contre 6 % aujourd’hui).

La consommation de plastiques de toutes sortes croîtra aussi en Europe (emballage, bâtiment, automobiles…) et la Commission européenne réfléchit à une stratégie qui permettrait de créer des emplois. Le taux de recyclage sur le Vieux Continent atteint seulement 22 %, un niveau très inférieur à ce qu’il est pour les métaux ou le verre. S’il passait à 60 % en 2025, un objectif sans doute impossible à atteindre, la filière du recyclage créerait 200 000 emplois directs et indirects, a précisé M. Frérot.

Le taux de recyclage sur le Vieux Continent atteint seulement 22 %, un niveau très inférieur à ce qu’il est pour les métaux ou le verre.

Veolia veut structurer la filière depuis la collecte et le tri des déchets jusqu’à la production de plastiques recyclés pour ses clients du secteur automobile (Renault) ou de l’électroménager (Philips, SEB…). Face à eux, le groupe doit assurer une qualité constante à ses produits et un approvisionnement sûr. Ce « sourcing » doit être « plus varié et plus localisé », estime Jean-Philippe Hermine, directeur du plan et de la stratégie environnement de Renault. Et la matière première doit être compétitive, « il n’y a pas de compromis sur le prix », précise-t-il.

Une démarche de « coconstruction »

Pour cela, Veolia va ouvrir de nouvelles usines et étendre des sites existants. Il commence aussi à adopter une démarche de « coconstruction » avec les industriels qui lui achètent les plastiques recyclés sortant de ses usines françaises et européennes, notamment pour définir en amont avec eux les caractéristiques (résistance, couleur…) des plastiques qu’ils lui commandent.

En 2016, le groupe d’environnement a réalisé une première en s’associant à SEB pour créer « une boucle complète d’économie circulaire » sur le petit électroménager. Ramassés par l’organisme de collecte d’appareils électriques Eco-systèmes, les plastiques sont triés par type de résine et transformés dans l’usine Veolia d’Angers (Maine-et-Loire). Les plastiques recyclés fournissent l’usine de Saint-Jean-de-Bournay (Isère) où SEB produit des centrales vapeur.

« À 50 dollars le baril, les plastiques neufs sont souvent moins coûteux que les produits recyclés », reconnaît le patron de Veolia.

Les démarches de « coconstruction » et de recyclage n’en sont qu’à leurs débuts. Mais plusieurs obstacles en freinent le développement. Notamment les prix bas depuis trois ans du pétrole, la matière première qui est à la base des résines vierges. « À 50 dollars le baril, les plastiques neufs sont souvent moins coûteux que les produits recyclés », reconnaît le patron de Veolia.

Il faut aussi effectuer un tri sélectif des plastiques et différents types de résines. Tous les films plastiques et sacs-poubelles, qui devront être acceptés par les 200 centres de tri de l’Hexagone d’ici 2022, sont très coûteux à traiter et n’ont guère d’intérêt économique. Une masse critique est importante pour amortir des usines de tris de plus en plus technologiques.

La nécessité d’un soutien des pouvoirs publics

Cela suppose, selon les experts, un soutien des pouvoirs publics qui pourrait prendre la forme d’une prime pour les émissions de CO2 évitées grâce au recyclage des plastiques. En 2015, dans un rapport commandé par le ministère de l’économie, l’Agence de l’environnement (Ademe) et les professionnels du secteur, le cabinet Deloitte proposait un « financement externe d’une centaine d’euros par tonne de déchets plastiques ».

Cette somme versée aux recycleurs (Veolia, Suez, Paprec…) serait, selon les auteurs du rapport, « suffisante pour capter, trier et orienter vers le recyclage une partie significative des déchets plastiques non recyclés à ce jour ». Un tel financement permettrait d’augmenter de 50 % les quantités de plastiques recyclés et de créer des emplois, affirmaient-ils.

On attend désormais les décisions du gouvernement. Devant les Assises des déchets réunies le 28 septembre à Nantes, la secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’écologie, Nicolas Hulot, a reconnu la nécessité de donner de bons signaux économiques. « Il faudra réorienter les investissements de la mise en décharge et des incinérateurs vers le recyclage », avait dit Brune Poirson.

Toutes les parties prenantes doivent être reçues au ministère, le 24 octobre, pour lancer les travaux d’élaboration de la feuille de route sur l’économie circulaire, l’un des aspects du Plan Climat dévoilé par M. Hulot le 6 juillet. Avec cet objectif : recycler 100 % des plastiques en 2025. Un objectif jugé peu réaliste par Antoine Frérot, mais qui aura, selon lui, la vertu de mobiliser tous les acteurs.