Aristotle : tel était le nom de l’enceinte connectée pour enfants qu’avait prévu de sortir Mattel, multinationale spécialisée dans les jouets. Mercredi 4 octobre, elle a annoncé au Washington Post qu’elle renonçait finalement à lancer ce produit, annoncé en janvier, car il ne « correspond pas totalement à la nouvelle stratégie de Mattel concernant les technologies ». L’entreprise a nommé en juillet un nouveau responsable des technologies, qui a, selon l’entreprise, décidé d’abandonner ce projet.

Mattel

Il faut dire que l’objet avait déjà suscité critiques et inquiétudes chez les spécialistes de l’enfance, de la protection des données personnelles et également chez quelques élus américains.

Aristotle, développé en partenariat avec Microsoft, Qualcomm Technologies et Silk Labs, était conçu pour s’installer dans la chambre de l’enfant, de ses premiers jours à sa préadolescence. Sa mission : « aider les parents et utiliser les technologies d’intelligence artificielle les plus avancées pour les aider à protéger, développer et élever ce qu’il y a de plus important dans leur foyer – leurs enfants », écrivait Mattel en janvier.

Equipé d’une caméra, d’un micro et d’une lumière, Aristotle était, par exemple, censé être capable d’activer une luciole et de jouer une berceuse « pour apaiser les pleurs d’un bébé », quand il les détectait. Il devait aussi pouvoir enseigner la politesse aux plus grands, en ne répondant qu’aux requêtes comprenant « s’il vous plaît », si les parents désiraient le configurer de la sorte.

Aristotle devait proposer des jeux, des leçons et même de l’aide aux devoirs. « Aristotle est conçu pour réconforter, divertir, enseigner et assister à chaque stade du développement », soulignait Mattel, ajoutant que l’objet « apprendrait sur l’enfant tout au long » de son utilisation.

Exposer les enfants aux pirates

Un tel descriptif a notamment effrayé l’association Campaign for a Commercial-Free Childhood, qui entend protéger les enfants « des intérêts commerciaux ». Dans une pétition qui a recueilli, selon elle, 15 000 signatures, elle a réclamé l’abandon de ce projet. « Les jeunes enfants ne devraient pas être encouragés à tisser des liens et des amitiés avec des appareils qui collectent leurs données. Aristotle va rendre accessible des données sensibles sur les enfants à des tierces parties et rendre les enfants et les familles vulnérables aux publicitaires, aux pirates et à d’autres acteurs malveillants », écrit l’association.

Celle-ci s’inquiète également de l’impact qu’un tel objet pourrait avoir sur le développement des enfants. « Aristotle tente aussi de remplacer les soins, l’expertise et la présence d’une famille aimante avec une pseudo-éducation et conversation d’un robot conçu pour vendre des produits et construire une loyauté à la marque. »

Deux députés américains, le démocrate Edward J. Markey et le républicain Joe Barton, ont également fait part de leurs réserves dans une lettre transmise la semaine dernière à Mattel, demandant à l’entreprise davantage d’informations sur la manière dont elle allait collecter les données de ses utilisateurs.

L’entreprise avait écrit en janvier que les données des enfants seraient protégées « avec un chiffrement de haut niveau » et promis que celles-ci ne seraient pas vendues aux publicitaires, mais n’avait pas donné plus de détails.

En 2015, Mattel avait déjà été critiqué pour sa poupée connectée Hello Barbie, capable d’écouter l’enfant et de lui répondre. Un chercheur avait révélé que l’objet était vulnérable et pouvait permettre à un pirate d’écouter les conversations des enfants.