« L’Ile errante » est une ode poétique aux îles japonaises. / « LE MONDE »

L’imaginaire culturel du Japon est particulièrement influencé par sa géographie. Et il faut dire qu’avec un archipel de près de 7 000 îles, le troisième au monde après l’Indonésie et les Philippines, les Japonais disposent d’un territoire plutôt inspirant. Pas étonnant que mangas et animes régionaux en fassent largement écho au travers de nombreuses œuvres célèbres, depuis celles de Hayao Miyazaki, jusqu’au plus récent Enfants de la baleine.

C’est cette insularité qui est au cœur du propos de L’Ile errante, la nouvelle œuvre de Kenji Tsuruta aux éditions Ki-oon, dans sa collection de « grands formats », baptisée « Latitudes ». L’action se passe en mer, ou au-dessus des mers, entre trois îles au (très) large de Tokyo : Oshima, Ogasawara et Hahajima. L’on y voit la jeune Mikura partir à la recherche d’une île mystérieuse, avec l’hydravion hérité de son grand-père, pour y délivrer un colis. Le problème, c’est que cette île n’existe pas.

On connaît Kenji Tsuruta, depuis Forget Me Not, et Mariel son héroïne vénitienne, assez proche d’esprit de Mikura. Ce one shot avait déjà marqué les esprits par la maîtrise du trait de son auteur, qui avait fait l’unanimité. On n’hésite pas à dire que, plus encore dans L’Ile errante, le travail graphique est réussi avec une véritable représentation cinématographique, et un découpage en plans très travaillé. Le tout est d’une tonalité particulière avec une lenteur rythmique qui rappelle un certain cinéma asiatique contemplatif des années 1990. Une densité graphique qui donne certes un ton, mais un fil narratif relativement ténu cependant. Il ne se passe souvent rien, et c’est très bien comme ça selon nous, mais certains pourraient s’en plaindre.

« L’Ile errante » propose une mise en scène cinématographique. / KI-OON

Ce premier volume qui court sur une période de trois ans joue une partition estivale avec un personnage langoureux dans un environnement que ceux qui connaissent les villages côtiers du Japon trouveront retranscrit avec plaisir. On entre facilement dans ce huis clos intime, sensation accentuée par le jeu du « face caméra » auquel l’auteur prête son héroïne. S’il y avait une bande-son, ce serait le chant du tsuku-tsuku boshi, cette cigale si particulière de l’été nippon sur le son lointain d’un bimoteur dans le vent. Sans doute, l’ouvrage le plus poétique de cette rentrée manga.

« L'Ile errante » est un manga très poétique. / KI-OON

L’Ile errante, Kenji Tsuruta, 190 pages, 15 euros.