Un musée privé où sont exposés d’anciens téléphones portables, à Dosbina, en Slovaquie, le 6 septembre. / DAVID W CERNY / REUTERS

« Pour l’équilibre écologique, il faudrait que les consommateurs conservent leur téléphone cinq ans. Le mien, je l’ai depuis sept ans. » La phrase d’Isabelle Autissier, présidente de WWF (Fonds mondial pour la nature) France, prononcée lors d’une conférence de presse organisée, jeudi 5 octobre, à Paris, pour le lancement d’une opération en faveur du recyclage des téléphones portables, a fait brièvement grimacer le patron de la division mobilité de Samsung France, Jean-Philippe Illarine, assis à deux mètres de là… On peut être partenaires et ne pas avoir les mêmes intérêts…

Le WWF et Samsung sont associés avec Suez et le spécialiste du reconditionnement des téléphones Recommerce, dans cette opération lancée par Bouygues Telecom pour inciter les consommateurs français à offrir à leurs anciens téléphones une seconde vie. Une vaste campagne médiatique dans la presse écrite, relayée sur les réseaux sociaux par les différents partenaires, est prévue entre le 9 et le 21 octobre, pour encourager les Français à rapporter leurs vieux téléphones dans les boutiques de l’opérateur.

Un rapide diagnostic effectué en boutique permettra de savoir si l’appareil pourra être reconditionné. Si c’est possible, il passera dans les mains de Recommerce, qui garantira son bon fonctionnement, sinon il partira vers les installations de Suez, où commencera le recyclage des matériaux. Dans tous les cas, chaque personne qui aura rapporté son ancien appareil se verra offrir un bon ou une remise sur ses achats en boutique Bouygues Telecom, d’une valeur allant de 10 euros au prix de l’argus de son téléphone.

« Marges de progression énormes »

Les Français peinent à se séparer de leurs anciens smartphones. Selon un rapport sénatorial de septembre 2016, seulement 15 % des téléphones portables mis sur le marché passent par un circuit de collecte. Cent millions de téléphones dormiraient dans les tiroirs des Français.

Le PDG de Bouygues Telecom, Olivier Roussat, explique que seulement 200 000 appareils ont été retournés dans ses boutiques, en 2016, tandis que 20 millions de nouveaux terminaux arrivaient sur le marché. Pour M. Roussat, « il y a des marges de progression énormes dans ce domaine ». « Notre objectif, avec cette opération, est que le retour de l’ancien téléphone en boutique devienne un réflexe au même titre que le tri du verre ou du papier. »

Les enjeux sont nombreux. Au coût élevé pour l’environnement de la production de smartphones – chaque unité mobilise environ 70 kg de ressources naturelles pour sa production –, s’ajoute la question de l’accès du plus grand nombre, par le biais du marché de l’occasion, à des technologies devenues aussi essentielles qu’onéreuses. Enfin, selon Suez, la faiblesse de la collecte de ces appareils en France limite aussi le développement de la filière de recyclage en France. « Il y a besoin d’un mouvement d’amorçage », plaide Philippe Maillard, chargé du recyclage et de la valorisation au sein du groupe.

Si l’initiative peut contribuer à améliorer la faible collecte des smartphones usagés – assurée, par ailleurs, par de nombreux autres acteurs –, elle ne suffira pas à faire taire les critiques adressées à cette industrie accusée de pousser les acheteurs à la surconsommation. « Que ce soit au niveau de la conception, avec l’impossibilité de remplacer certaines pièces, de la publicité ou des offres de promotion, tout est fait pour inciter les consommateurs à renouveler le plus souvent possible leur équipement », déplore Héloïse Gaborel, de l’association France Nature Environnement.