La statue de Christophe Colomb à New York. / SPENCER PLATT / AFP

En pleine campagne électorale, le maire démocrate de New York, Bill de Blasio, subit la fronde des Italiens de New York : son dîner de jeudi 5 octobre en leur honneur a été en partie boycotté, le maire n’a pas été invité dans le Bronx, dimanche 8 octobre, et risque d’essuyer des sifflets le lendemain sur la cinquième avenue à Manhattan lors des parades honorant les Italiens lors des festivités de Colombus Day. Explication, si Christophe Colomb découvrit l’Amérique – une île des Bahamas – pour le compte du roi d’Espagne en 1492, le navigateur était génois. Les immigrants new-yorkais de la péninsule en ont fait l’emblème de leur fierté.

Bill de Blasio les a heurtés, en s’en prenant à la fin de l’été à Christophe Colomb dans la fièvre anti-statues qui s’est emparée de l’Amérique après les événements de Charlottesville (Virginie) – l’extrême droite voulait protester contre le déboulonnage de la statue du général sudiste Robert Lee.

Annonçant qu’un comité d’experts et d’élus allait examiner les objets porteurs de haine à supprimer, il n’a pas exclu que Christophe Colomb en fasse partie : le « découvreur » du Nouveau Monde est accusé d’être un esclavagiste et d’être à l’origine du génocide des populations natives d’Amérique. Rendu férié sous Franklin Roosevelt, ce jour a été transformé en hommage aux populations indiennes en Alaska, dans le Dakota ou le Minnesota

« Iconoclaste »

Mais à New York, c’était compter sans le tollé des Italiens. Le Comité d’organisation de la parade s’est offert une pleine page de publicité dans le New York Times et Bill de Blasio a tenté depuis de remonter la pente, avant l’élection municipale du 7 novembre. « Je marcherai à la parade du Colombus Day. Cette parade est le moment où nous exprimons nos fiertés en notre héritage italien », a-t-il déclaré, malgré son jugement mitigé sur Christophe Colomb. En guise de compromis, M. de Blasio imagine d’ajouter une plaque explicative sous la statue.

Son opposante républicaine, Nicole Malliotakis, a aussitôt pris parti pour la statue de Colomb, financée en 1892 grâce à une souscription organisée par un journal italien de New York. Selon elle, Bill de Blasio a pris le risque de « diviser » la population. « Et après ? On passera à l’université Columbia ? Au district de Columbia ? », dénonce le très conservateur National Review, qui s’inquiète d’une fièvre « iconoclaste ». De nombreux historiens ont appelé à la prudence, même si des personnages peu recommandables ont leur statue, notamment le médecin James Marion Sims, ancien chirurgien de l’impératrice Eugénie en France, un père de la gynécologie moderne mais qui développa son savoir aux dépens des femmes noires esclaves. Harlem demande son retrait.

Une autre voie consiste non pas à détruire mais à créer de nouvelles icônes. Ainsi, à deux pas de Columbus Circle, on s’est aperçu que parmi les 23 statues de Central Park – dont celle de Sims —, aucune n’était féminine, si ce n’est des personnages fictifs comme l’Alice de Lewis Carroll, la Mère l’Oie et la Juliette du Roméo de Shakespeare. En 2015, après des années de combat, autorisation a enfin été obtenue pour ériger une statue à la mémoire de deux suffragettes de la seconde moitié du XIXe siècle, Elizabeth Cady Stanton et Susan Anthony. En 2016, une souscription a été lancée alors que 1,5 million de dollars (1,2 million d’euros) sont nécessaires au projet. Objectif : dévoiler la statue pour célébrer le centenaire du droit de vote des femmes aux États-Unis. En 2020. Plus long qu’un déboulonnage.