Visite d’Emmanuel Macron aux  24 Heures du bâtiment qui se déroulaient à Paris, vendredi 6 octobre. / THIBAULT CAMUS / AFP

Le président de la République est venu rassurer les entrepreneurs à l’occasion des 24 Heures du bâtiment qui se déroulaient à Paris, vendredi 6 octobre. Ce public de 4 000 chefs d’entreprise lui est plutôt acquis, il apprécie les ordonnances de la loi travail, l’allégement des charges sociales ou l’assouplissement du compte pénibilité. Mais les dernières mesures du projet de loi de finances pour 2018, qui rabotent sévèrement plusieurs aides du secteur, ont douché son optimisme.

« Réduire brutalement le crédit impôt sur les travaux d’économie d’énergie, qui passe de 30 % à 15 %, au 27 septembre [en excluant la pose des portes et fenêtres], ce n’est pas tenable. Il faut nous donner du temps. Tout comme réduire les APL dans les HLM : il faut y réfléchir pour ne pas casser la dynamique de construction », s’insurge Aline Meriau, qui dirige une entreprise d’électricité de 25 personnes et préside la Fédération du bâtiment du Loiret, pourtant soutien d’En marche puisqu’elle a été candidate malheureuse aux sénatoriales sous cette étiquette… Sandrine Lanos-Martin, à la tête de Lanos Menuiserie, en Normandie, fait le même constat : « Ce crédit d’impôt représente 20 % de mon activité. Le gouvernement nous lâche alors que nous commençons tout juste à respirer après huit ans de crise. » Le truculent artisan Yvon Setze, menuisier et maire de Montagnac-sur-Lède (Lot-et-Garonne), alpague et interpelle Emmanuel Macron, en tournée dans les stands du salon, le tutoyant d’emblée : « Toi, tu nous prends de la main gauche ce que tu nous as donné de la main droite. »

Patrick Vandromme, président de Maison France Confort, numéro de la construction de la maison individuelle, raconte à son tour, face à M. Macron : « On était heureux jusqu’à fin août et puis, le 20 septembre [jour de l’annonce de la stratégie logement du gouvernement], on nous annonce la suppression du Prêt à taux zéro au 1er janvier 2018, en zone rurale [dite zone C, la moitié du territoire] : “badadaboum, je suis KO debout”. C’est 1 500 maisons en moins, soit 25 % de ma production. »

Le public applaudit, soulagé d’avoir échappé au pire

Alerté de toutes parts du risque de « casser la croissance », le président de la République n’était pas venu les mains vides. Le souvenir de Cécile Duflot qui, en 2012, avait opéré la même suppression avec les mêmes arguments – ce qui avait entraîné la perte de 50 000 maisons – est encore vif. « J’ai entendu les chefs d’entreprise de votre secteur. J’ai aussi entendu les maires ruraux qui nous ont alertés sur le fait que ça pouvait, chez eux, freiner l’activité, en tout cas donner le sentiment d’une fracture qui pouvait s’installer. J’ai demandé au gouvernement de reprendre la discussion pour un prêt à taux zéro en zone rurale, pour deux ans, avec une quotité moins importante de 20 % [ce prêt aidé par l’Etat peut actuellement financer jusqu’à 40 % d’un achat immobilier] afin que cela ne crée pas de rupture et permette de conserver la philosophie de notre projet », a annoncé M. Macron.

Il rétablit aussi partiellement le crédit d’impôt pour « les fenêtres qui ont une vocation d’isolation thermique, mais pas pour les portes blindées car, là, il y a des abus. De même pour les chaudières au fioul performantes, car je sais que dans les zones rurales il n’y a pas toujours le gaz de ville ». Le public applaudit, visiblement soulagé d’avoir échappé au pire.

Reste la question la plus épineuse : la baisse des Aides personnalisées au logement (APL) et des ressources des organismes HLM, prévue à 1,7 milliard d’euros dans le projet de loi de finances. Elle a conduit les bailleurs sociaux à rompre le dialogue avec le ministre de la cohésion du territoire, Jacques Mézard, et son secrétaire d’Etat, Julien Denormandie, copieusement hués lors du congres HLM, à Strasbourg, le 28 septembre dernier. « Je souhaite l’apaisement, a assuré M. Macron, et j’ai demandé au premier ministre de recevoir les acteurs pour trouver une solution intelligente » a-t-il plaidé, tout en réaffirmant sa volonté d’une réforme profonde.

« J’ai deux problèmes avec les HLM »

« On dépense trop dans ce secteur, deux points de PIB dont un pour les APL. D’un côté on subventionne le parc social et c’est normal, mais de l’autre on verse des APL pour solvabiliser les locataires. C’est croquignolesque ! ». Le président avertit : « J’ai deux problèmes avec les HLM : il y a trop d’organismes, près de 800 et il faut opérer un regroupement en deux ou trois ans. Ensuite, il n’y a pas de bonne circulation du capital, il y a des organismes qui ont des trésors et ne construisent pas, tandis que d’autres n’ont pas du tout d’argent. Alors on va un peu baisser les loyers et les APL et, après une analyse honnête, on va recapitaliser les organismes fragilisés. Certains vont perdre un peu de leur trésorerie. J’ai demandé qu’un dialogue s’ouvre dans ce sens. »

Il n’est cependant pas sûr que les bailleurs sociaux reviennent aussi facilement à la table des négociations. « Tant que le gouvernement ne retire pas son projet, nous ne discuterons pas », confie Alain Cacheux, président de la Fédération des offices publics HLM, instance la plus déterminée face au gouvernement. L’autre branche de la famille, les Entreprises sociales pour l’habitat (ESH) pourrait, elle, se laisser convaincre, brisant l’unité du mouvement HLM.