Le président catalan, Carles Puigdemont, à Barcelone, le 6 octobre. / LLUIS GENE / AFP

La Catalogne s’apprête-t-elle à proclamer son indépendance ? Plus d’une semaine après le référendum sur son autodétermination, organisé le 1er octobre, le président catalan, Carles Puigdemont, doit s’exprimer, mardi 10 octobre, devant le Parlement régional. Pour dire quoi ? Le secret est bien gardé. Il s’agit d’aborder « la situation politique » actuelle, s’est-il contenté de dire dans un entretien diffusé sur la télévision publique catalane, dimanche 8 octobre.

M. Puigdemont a toutefois redit, dans ce même entretien, qu’il était prêt à déclarer l’indépendance si le gouvernement central espagnol ne répondait pas aux propositions de médiation pour apaiser la situation :

« Nous avons ouvert la porte à la médiation, nous avons dit oui à toutes les possibilités de médiation qui nous ont été présentées. Les jours passent et, si l’Etat espagnol ne répond pas de manière positive, nous ferons ce que nous sommes venus faire. »

Mais cette position, jugée par certains jusqu’au-boutiste, ne fait pas l’unanimité au sein du mouvement indépendantiste : une « trêve » est ainsi demandée, afin de « donner une dernière chance au dialogue », comme l’a dit le ministre régional de l’entreprise, Santi Vila, dans une tribune publiée jeudi par le quotidien catalan Ara.

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  • Madrid refuse de négocier sous la menace

De leur côté, les autorités de Madrid ont répété qu’elles ne négocieraient pas avec Barcelone tant que la menace d’une déclaration d’indépendance ne serait pas levée et que le gouvernement catalan ne renoncerait pas à ses plans sécessionnistes. Dans un entretien au quotidien El Pais, M. Rajoy a encore demandé, dimanche, que « la menace de déclaration d’indépendance soit retirée le plus rapidement possible ». Dans le cas contraire ? « Je n’écarte rien », a-t-il répondu au journal, qui l’interrogeait sur l’application de l’article 155 de la Constitution, qui permet de retirer son autonomie à la région.

« Mais je dois faire les choses en leur temps (…). J’aimerais que la menace de déclaration d’indépendance soit retirée le plus vite possible », a-t-il ajouté. Le chef du gouvernement espagnol a également assuré qu’il était « encore temps » pour les dirigeants catalans de faire machine arrière pour éviter le déclenchement d’une réponse brutale, alors que son électorat et l’aile dure de son parti lui réclament de réagir.

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  • Le recours à l’article 155, une procédure laborieuse

En cas de proclamation d’indépendance, le gouvernement espagnol détient dans son arsenal une arme lourde, l’article 155 de la Constitution. Jamais utilisé, il dispose que :

« Si une région autonome ne respecte pas les obligations que la Constitution ou d’autres lois lui imposent, ou agit de manière à porter atteinte gravement à l’intérêt général de l’Espagne, le gouvernement, après avertissement au président de la région autonome, et dans le cas où il n’a pas de réponse, avec l’approbation de la majorité absolue du Sénat, pourra adopter les mesures nécessaires pour le contraindre au respect de ces obligations ou à la protection de l’intérêt général mentionné. »

Le texte est à la fois clair — il envisage une mise sous tutelle de la région — et flou : il ne précise pas quelles sont les mesures possibles, ne mentionne pas la possibilité de suspendre le gouvernement ni de dissoudre le Parlement régional concerné. Sa mise en application est, en outre, laborieuse. Le gouvernement devrait présenter au président du Sénat un écrit détaillant les mesures envisagées, l’avertissement fait au président catalan et sa réponse.

La Commission générale des communautés autonomes devrait alors émettre un avis, et Carles Puigdemont, le président de la Catalogne, disposerait d’un délai pour présenter ses réponses. Le texte serait seulement ensuite soumis au vote du Sénat, où le Parti populaire (PP, droite) dispose d’une majorité absolue, qui lui garantirait son approbation.

Avant l’utilisation de l’article 155, le gouvernement pourrait, en cas de manifestations et de blocages, recourir à l’article 116, qui proclame l’Etat d’urgence. Si Mariano Rajoy n’a pas clairement mentionné cette possibilité, il a toutefois fait savoir qu’il n’hésiterait pas à prendre toutes les mesures légales. L’utilisation de celui-ci nécessite un vote à la majorité absolue du Parlement espagnol, et non du seul Sénat, comme pour l’article 155. Mariano Rajoy n’a donc aucune chance de l’obtenir sans le soutien du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), opposé à l’utilisation de l’article 155, une solution qu’il juge trop radicale.

  • La médiation européenne dans l’impasse

Alors que les indépendantistes réclament depuis le référendum du 1er octobre l’intervention de l’Union européenne, celle-ci campe sur ses positions. Pas question d’intervenir ou de proposer une quelconque médiation entre Madrid et les sécessionnistes catalans. « Il s’agit d’une affaire intérieure à l’Espagne », a dit un porte-parole de la Commission européenne, vendredi 6 octobre.

Dès mercredi, les principaux groupes politiques du Parlement européen (conservateurs du Parti populaire européen, sociaux-démocrates, libéraux et démocrates) avaient, par ailleurs, appuyé avec quelques nuances, lors d’un débat convoqué en urgence, le point de vue défendu par Frans Timmermans, le premier vice-président de la Commission de Bruxelles : le référendum sur l’indépendance était bien inconstitutionnel et illégal. Avec des accents très légèrement différents, les représentants des trois courants politiques dominants ont toutefois appelé Madrid et Barcelone à dialoguer.

Lire l’éditorial du « Monde » : En Catalogne, un référendum pour rien

Pourquoi les Catalans souhaitent-ils être indépendants ?
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