Boutique Sandro, à Pékin, en mars 2016. / FRED DUFOUR / AFP

SMCP aime à se comparer aux plus grands de la mode. A commencer par Louis Vuitton et Zara. Rien que ça. Le groupe français, qui détient les enseignes de prêt-à-porter féminin Sandro, Maje et Claudie Pierlot, a annoncé, lundi 9 octobre, qu’il briguait un prix de 20 à 25 euros par action lors de son introduction à la Bourse de Paris, sur Euronext, prévue le vendredi 20 octobre.

Cette opération, au cours de laquelle de nouveaux titres seront émis pour un montant de l’ordre de 120 millions d’euros, doit permettre d’augmenter la capacité d’investissement du groupe et de « réduire son endettement et ses frais financiers », précise Daniel Lalonde, son PDG. La valeur d’entreprise de SMCP devrait alors atteindre le montant de « 1,9 à 2,2 milliards d’euros », fait valoir le groupe par communiqué. Un joli coup pour le conglomérat chinois Shandong Ruyi, qui avait racheté SMCP au fonds d’investissement américain KKR, il y a dix-huit mois, pour 1,3 milliard d’euros, selon le chiffre avancé à l’époque par le Financial Times.

L’entrée en Bourse de SMCP devrait profiter à ses actionnaires historiques, à commencer par KKR, qui devrait céder les 10 % du capital qu’il avait conservés. Shandong Ruyi, qui détient 82 % de son capital, devrait ramener sa part à 51 %. Pour l’heure, Evelyne Chétrite et Judith Milgrom, les fondatrices de Sandro et Maje, encore aujourd’hui à la tête du style, disent demeurer au capital. « Nous comptons rester actionnaires du groupe, comme depuis le premier jour », ont fait valoir celles qui possèdent environ 8 % du capital aux côtés des dirigeants.

Leur engagement devrait être un argument de poids pour assurer au titre SMCP une réussite en Bourse. Dans un marché de la mode bouleversé par la vente en ligne, le groupe doit défendre son modèle de « pure-player du retail » capable de « mélanger les codes du luxe et à celui de la distribution », précise M. Lalonde, en se plaçant entre LVMH et Inditex, maison mère de Zara.

Parcours est fulgurant

Tout comme ces deux stars de la Bourse, le groupe est, il est vrai, à la fois fabricant et distributeur, puisqu’il vend les collections de Sandro, Maje et Claudie Pierlot dans ses propres boutiques (1 223 magasins dans 36 pays). Son parcours est fulgurant. « Sur les trois dernières années, l’activité a progressé de 24 % par an », souligne M. Lalonde. Avec 900 millions d’euros de chiffre d’affaires attendu fin 2017, SMCP n’est toutefois encore qu’un petit acteur au regard des 37,6 milliards d’euros de ventes de LVMH et des 23,3 milliards de l’espagnol Inditex.

L’entreprise s’est imposée dans le carré d’as de la mode en France, grâce aux talents de deux sœurs, Evelyne Chétrite et Judith Miglrom.

L’entreprise s’est imposée dans le carré d’as de la mode en France, grâce aux talents de deux sœurs, Evelyne Chétrite et Judith Miglrom. La première a lancé Sandro en 1984. Sa cadette a fondé Maje en 1998. La marque Claudie Pierlot a, elle, rejoint le groupe lors de son rachat en 2009. Les trois marques – toutes occupent le créneau du haut de gamme en tarifant 165 euros un jean ou 175 euros une chemise en coton – sont encore aujourd’hui indépendantes l’une de l’autre. Chacune dispose de son propre bureau de création. Celui de Sandro (11 designers, 10 modélistes et 7 patronniers) est situé boulevard Haussmann, à Paris. Les équipes de Maje planchent rue du Mail. Et les collections Claudie Pierlot sont dessinées dans des locaux de la rue Etienne Marcel.

A chacune son créneau. « Sandro habille une femme élégante et cool. Maje s’adresse à une femme pétillante et effervescente tandis que Claudie Pierlot vise une Parisienne BCBG et rebelle », ajoute M. Lalonde. Cette organisation compartimentée ne concerne que le style. SMCP a développé les fonctions supports en commun. Résultat : le groupe, qui fait fabriquer ses lignes en Asie et en Europe de l’Est, dégage de coquettes marges. Fin 2016, sa marge d’exploitation s’est établie à 16,5 % de son chiffre d’affaires.

Multiples évolutions capitalistiques

La récente histoire de SMCP est marquée par de multiples évolutions capitalistiques, son capital passant de main en main depuis dix ans. En 2007, les deux sœurs accueillent à leur capital Elie Kouby et Frédéric Biousse – deux anciens piliers de Comptoir des cotonniers –, qui, depuis, avec Emmanuel Pradère, ont monté le fonds d’investissement Experienced Capital, spécialisé dans les start-up de la mode. Le montant du chèque aux deux sœurs n’a pas été dévoilé. Mais il a permis de financer l’expansion fulgurante du groupe, en France d’abord, puis à l’étranger : avec l’inauguration de 120 boutiques par an.

A tel point que SMCP aiguise les appétits de Florac, véhicule d’investissement des héritiers du groupe Louis-Dreyfus et L Capital, fonds d’investissement détenu par LVMH et Groupe Arnault. En 2010, Mmes Chétrite et Milgrom leur cèdent 51 % du capital. Cette nouvelle opération permet à SMCP de récolter les fonds nécessaires pour entrer aux Etats-Unis, en 2012, et se doter d’un entrepôt gigantesque à côté de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.

Un an après, KKR reprend 65 % du capital. Le groupe pénètre alors en Chine : en dix-huit mois, 45 boutiques sont ouvertes – le groupe en exploite aujourd’hui une centaine. Très vite, KKR envisage une sortie. Le fonds d’investissement américain explore d’abord la voie d’une introduction en Bourse, avant de se raviser faute de fenêtre de tir favorable. Ce sera finalement une cession, en 2016, au groupe Shandong Ruyi, un mastodonte de l’industrie textile chinoise à la tête de champs de coton et d’une douzaine d’usines dont le chiffre d’affaires atteint 5 milliards de dollars (4,2 milliards d’euros).

Ses concurrents s’inquiètent désormais de la « pression que la Bourse va imposer aux marques Sandro et Maje pour atteindre ses objectifs de vente », selon le dirigeant d’une autre enseigne française de haut de gamme. En France, où le groupe aligne 479 magasins, ce dernier s’attend à « un plus grand recours aux prix cassés » pour que, trimestre après trimestre, les indices de SMCP soient conformes aux prévisions. D’ici-là, le groupe vante un plan de développement ambitieux, pour la France – notamment en ligne –, et pour conquérir des marchés étrangers. Sa feuille de route compte la Chine, pour y afficher 500 magasins d’ici dix ans, le Japon, les Etats-Unis, et pas moins de quatre pays d’Europe : Espagne, Italie, Allemagne et Angleterre.