L’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW) a accusé l’armée rwandaise de recourir à la torture pour extorquer des aveux à des suspects détenus illégalement, dans un rapport publié mardi 10 octobre.

HRW affirme avoir documenté 104 cas de personnes détenues illégalement et, pour une majorité d’entre elles, victimes d’actes de torture – bastonnades, décharges électriques, simulacres d’exécution –, dans les centres de détention de l’armée rwandaise entre 2010 et 2016, selon le rapport de 102 pages intitulé « Nous t’obligerons à avouer : torture et détention militaire illégale au Rwanda ».

« Des recherches menées au cours d’un certain nombre d’années démontrent que les responsables militaires au Rwanda peuvent recourir à la torture selon leur bon vouloir », a déclaré Ida Sawyer, directrice pour l’Afrique centrale à HWR. « L’impunité pour la détention illégale et l’utilisation systématique de la torture a conduit de nombreuses victimes à renoncer à tout espoir que justice soit rendue », a-t-elle ajouté.

Selon HRW, la plupart des victimes ont été détenues en raison de leur appartenance présumée aux Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), des rebelles hutu rwandais installés dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) et dont certains des membres fondateurs sont accusés d’avoir participé au génocide de 1994 au Rwanda.

Des témoignages d’anciens détenus

D’autres victimes sont soupçonnées par les autorités de liens avec le Congrès national rwandais (RNC), un groupe d’opposition en exil composé principalement d’anciens membres du parti au pouvoir, ou de sympathies pour Victoire Ingabiré, présidente emprisonnée du parti – non reconnu par les autorités – des Forces démocratiques unifiées (FDU).

Le rapport reproduit des extraits de témoignages d’anciens détenus, qui décrivent les sévices subis : décharges électriques, sacs de pierres attachés aux testicules, prisonniers pendus par les pieds et frappés à coups de barres de fer…

« J’ai dit que je n’avais jamais travaillé pour les FDLR. (…) A chaque question, ils me frappaient. Après ça, ils m’ont donné un morceau de papier en me disant : Signe ça. J’ai pu le regarder un instant à peine, puis je l’ai signé », rapporte un prisonnier arrêté en avril 2014.

Le gouvernement devait se prononcer, mardi, à Kigali, sur les conclusions d’un précédent rapport de HRW, mais la conférence de presse a été annulée à la dernière minute.

Paul Kagamé est l’homme fort du Rwanda depuis que le FPR a renversé en juillet 1994 le gouvernement extrémiste hutu ayant déclenché un génocide qui a fait 800 000 morts entre avril et juillet 1994, essentiellement parmi la minorité tutsi. Il a été réélu en août 2017 pour un troisième mandat de sept ans, avec plus de 99 % des voix. Crédité de l’important développement d’un pays exsangue au sortir du génocide, il est régulièrement accusé de bafouer la liberté d’expression et de museler toute opposition.