Drapeaux européens devant le bâtiment de la Commission européenne, à Bruxelles, en avril. / EMMANUEL DUNAND / AFP

La Commission ne s’en cache même pas : au-delà des chiffres, des cartes de l’Europe en couleur et des satisfecit, l’objet de son « septième rapport sur la cohésion », publié lundi 9 octobre, est « d’alimenter le débat sur l’utilisation des fonds de l’Union européenne après 2020 », précise son communiqué de presse.

A l’instar du Parlement européen, qui a déjà commencé à y travailler depuis plusieurs mois, l’institution communautaire peaufine ses arguments en vue d’une bataille qui s’annonce aussi technique que cruciale et aussi âpre qu’interminable, à savoir la négociation du « cadre financier pluriannuel » de l’Union.

A partir du printemps 2018, les Européens vont tenter de se mettre d’accord, non seulement sur les enveloppes maximales annuelles du budget de l’Union pour la période allant de 2020 à 2026, mais aussi sur l’affectation, par grands postes budgétaires, de ces montants considérables, issus pour l’essentiel des contributions des Etats membres. Quelles sommes pour la politique agricole commune (PAC), qui capte encore près de 38 % du budget annuel de l’Union ? Combien pour le soutien à l’emploi des jeunes, la politique régionale et de cohésion, qui pèse 34 % du total ?

Pour parvenir à l’actuel cadre financier pluriannuel (2014-2020) représentant en tout 960 milliards d’euros en engagements (1 % du revenu national brut de l’UE), deux ans et demi de discussions tendues ont été nécessaires. La négociation pour 2020-2026 promet d’être encore plus ardue, à cause du Brexit, qui risque d’empoisonner sérieusement les tractations.

Environnement géopolitique instable

Bientôt privés de la contribution britannique au budget de l’Union (environ 15 milliards d’euros par an), les Européens à 27 vont devoir d’abord s’accorder : comment compenser ce « trou » ? Entièrement, en partie seulement ou pas du tout ? Et s’ils décident de se priver de ces milliards, dans quels budgets devront-ils couper en priorité ? Autre difficulté majeure : dans un environnement géopolitique devenu très instable, les Européens sont confrontés à la crise des migrants et à la révolution numérique. Leurs priorités ont changé.

De plus en plus d’Etats, Allemagne en tête, plaident pour que l’argent européen soit réalloué de manière bien plus substantielle à la question migratoire (pour financer la sécurisation des frontières extérieures, l’accueil des réfugiés, etc.) et aux « technologies de rupture » (robotique, intelligence artificielle…).

Dans ce contexte, le budget de la PAC pourrait se retrouver sur la sellette. La France, qui l’a jusqu’à présent âprement défendu, remontera-t-elle au créneau avec la même énergie ? Le président de la République, Emmanuel Macron, a évoqué le sujet lors de son discours de la Sorbonne fin septembre, laissant entendre qu’il était prêt à un débat : « La PAC est devenue un tabou français, alors que nos agriculteurs ne cessent d’en dénoncer le fonctionnement. » Le chef de l’Etat anticipe-t-il la nécessité de faire des compromis s’il veut faire aboutir son projet d’un budget spécifique à la zone euro ?