L’avis du « Monde » – à voir

Les films en rotoscopie transforment d’ordinaire des sujets filmés en sujets dessinés. C’était le cas, parmi les sorties du 1er octobre, de Téhéran Tabou. La singularité de La Passion Van Gogh est de passer de l’image photographique à l’image peinte. Peinte, comme le suggère le titre, à la manière de Van Gogh, ce qui semble, a priori, un pari impossible à tenir.

Par une étrange alliance entre un art très ancien – chaque plan a été peint à la main, ce qui a nécessité la réalisation de plusieurs tableaux, de l’avant à l’arrière-plan – et les techniques numériques qui ont permis de corriger les variations lumineuses et chromatiques d’une image à l’autre, le pari technique a été gagné.

Restait à prouver la nécessité esthétique de l’entreprise : à la fin de la projection, elle s’est imposée, non sans mal parfois. Les personnages de La Passion Van Gogh ont tous été peints par l’artiste : au centre, Armand Roulin, beau jeune homme, fils du facteur arlésien qui secourut Van Gogh pendant son séjour provençal. Après la mort du peintre, Armand est chargé par son père de porter à Theo Van Gogh la dernière lettre que le marchand avait adressée à son frère, et que ce dernier n’a jamais ouverte.

Une dimension onirique

Réticent, jaloux de l’affection que son père portait à Vincent, Armand Roulin part de mauvaise grâce pour Paris. Là, le marchand de couleurs Tanguy lui apprend la mort de Theo. Par un artifice de scénario un peu pesant (il y en aura d’autres), le porteur de missive se transforme en détective et part pour Auvers-sur-Oise (Val-d’Oise) où il essaie d’établir les circonstances exactes de la mort de Vincent Van Gogh. A partir de ce moment, La Passion Van Gogh prend son rythme. Ce qui auparavant apparaissait comme un charmant tour de passe-passe (l’apparition périodique d’images aimées et connues au fil du récit) prend une dimension onirique.

Malgré les dialogues plus qu’abondants, qui ne laissent rien ignorer des hypothèses et théories entourant le coup de pistolet du plateau d’Auvers, on accompagne Armand Roulin dans un voyage qui le fait pénétrer dans un univers qui n’a qu’un créateur, Van Gogh. Sagement, les auteurs ne cherchent pas à savoir ce qui, chez le peintre, a produit cette extraordinaire manière de restituer le monde sensible. Ils se préoccupent plutôt de savoir com­ment on peut y accéder, autrement qu’en cheminant entre les cimaises d’un musée.

Dans l’esprit enfiévré d’Armand Roulin, les champs de blé du Vexin, l’église d’Auvers, le visage de Marguerite Gachet se confondent avec l’imaginaire de l’artiste mort. L’Oise devient une constellation. Les corbeaux, des coups de pinceau dans un ciel incertain. Le mouvement n’est pas là pour donner vie à des œuvres qui, de toute façon, en ont plus que bien des films de cinéma, mais pour s’approcher d’un mystère à jamais impénétrable.

LA PASSION VAN GOGH - Bande-annonce VF
Durée : 01:30

Film d’animation polonais et britannique de Dorota Kobiela et Hugh Welchman (1 h 28). Sur le Web : www.la-belle-company.com