Le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, dans une salle de vidéosurveillance de la police municipale de Nice, en marge de la Conférence Euro-Méditerranée des villes sur la prévention de la radicalisation, le 29 septembre. / ERIC GAILLARD / REUTERS

Sortir de l’état d’urgence sans se priver de certaines de ses prérogatives. Tel est l’objectif du projet de loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme », que les députés ont définitivement adopté, mercredi 11 octobre. Les sénateurs, avec qui un accord a été trouvé sur le texte lundi en commission mixte paritaire, devraient faire de même, le 18 octobre, ouvrant la voie à une promulgation rapide du texte.

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La loi, défendue par le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, a vocation à rendre possible la sortie de l’état d’urgence prévue le 1er novembre, en inscrivant dans le droit commun une version aménagée de certaines prérogatives de cet état d’exception en vigueur depuis le soir des attentats du 13 novembre 2015. Une démarche qui suscite de nombreuses inquiétudes de la part des associations de défense des droits de l’homme, qui y voient un recul en matière de préservation des libertés publiques et un affaiblissement du pouvoir judiciaire au détriment du pouvoir exécutif. Les parlementaires de droite contestent pour leur part un texte qui, selon eux, conduit à « baisser la garde » dans la lutte contre le terrorisme.

Périmètres de sécurité, assignations à résidence…

Le nouveau texte permettra, hors état d’urgence, aux préfets et représentants de l’Etat d’instituer un périmètre de sécurité dans un lieu ou événement « exposé à un risque d’actes de terrorisme en raison de sa nature et de l’ampleur de sa fréquentation ». La fouille des individus, de leurs bagages et de leurs véhicules y sera autorisée. Il permet également la fermeture de lieux de culte participant à la diffusion d’idées qui « provoquent à la violence, à la haine et à la discrimination, (…) à la commission d’actes de terrorisme ou font l’apologie de tels actes ».

Les deux dispositions les plus sensibles de la loi concernent la possibilité, en tout temps, pour l’autorité administrative, de prononcer des assignations à résidence et de permettre des perquisitions. Les « visites et saisies » – nouveau nom des perquisitions administratives – devront être autorisées par le juge des libertés et de la détention.

Les assignations à résidence deviennent, elles, des « mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance » ciblant les personnes soupçonnées de représenter une menace mais qui ne font pas l’objet d’une procédure judiciaire. Le périmètre d’assignation ne pourra « pas être inférieur à la commune », ou au département si l’individu accepte de porter un bracelet électronique. Le gouvernement souhaitait que les personnes visées par ces mesures aient l’obligation de déclarer tous leurs numéros d’abonnement et identifiants de moyens de communication électronique. Le Sénat, par la voix de Gérard Larcher, son président, en avait fait l’une de ses lignes rouges, rappelant son risque d’inconstitutionnalité. Elle ne figure plus dans le texte à l’issue de la commission mixte paritaire qui s’est réunie lundi pour trouver un compromis entre les députés et les sénateurs.

Rendez-vous en 2020

Les sénateurs avaient par ailleurs introduit une « clause d’autodestruction », rendant caducs les articles sur les perquisitions et les assignations au bout de quatre ans. Les députés avaient réduit ce délai à trois ans, et la commission mixte paritaire est allée encore plus loin, élargissant ce dispositif expérimental à l’ensemble des mesures inspirées de l’état d’urgence. Il sera doublé de l’instauration du principe du contrôle parlementaire qui existait depuis peu pour l’état d’urgence. Il permet aux députés et sénateurs d’être informés en temps réel des mesures prises par l’autorité administrative dans le cadre de l’application du texte.

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La loi prévoit enfin des dispositions qui vont au-delà de la sortie de l’état d’urgence. Elles concernent la surveillance des communications hertziennes et élargissent le périmètre d’autorisation administrative des contrôles d’identité en zone frontalière. Ceux-ci pourront s’exercer jusqu’à dix kilomètres autour des points de passage frontaliers, comme les aéroports. Le périmètre était initialement fixé à 20 kilomètres, ce qui avait pour conséquence de permettre les contrôles dans la plupart des agglomérations métropolitaines. La commission mixte paritaire est donc parvenue à un aménagement.

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