Les Libériens attendent les premiers résultats de l’élection présidentielle qui s’est tenue dans le calme, mardi 10 octobre, et qui doit désigner le successeur pour six ans d’Ellen Johnson Sirleaf, première femme élue chef d’Etat en Afrique et Prix Nobel de la paix 2011. La Commission électorale nationale (NEC) doit annoncer mercredi après-midi les premiers résultats du scrutin, qui conclut un processus historique de transfert démocratique des pouvoirs après les deux mandats remportés par Mme Sirleaf depuis 2005.

Parmi les favoris, sur une vingtaine de candidats, figure le sénateur George Weah, légende du football africain, battu par Mme Sirleaf au second tour en 2005, puis comme candidat à la vice-présidence en 2011. En lice également, le vice-président Joseph Boakai, l’avocat et vétéran de la politique Charles Brumskine et les puissants hommes d’affaires Benoni Urey et Alexander Cummings. Dans la plus ancienne république d’Afrique subsaharienne, fondée en 1822 sous l’impulsion des Etats-Unis pour des esclaves noirs affranchis, le nouveau président sera le premier en soixante-dix ans à succéder à un autre dirigeant issu des urnes.

Une campagne animée

Plus de 2 millions d’électeurs de ce petit pays anglophone d’Afrique de l’Ouest étaient appelés aux urnes pour désigner le chef de l’Etat et renouveler les 73 sièges de la Chambre des représentants. Le président de la Commission électorale, Jerome Korkoya, a qualifié mardi la participation de « très forte », sans donner de chiffres. En 2011, au premier tour de la précédente élection présidentielle, le taux de participation avait atteint 71,6 %.

Dès le début de la matinée, de longues files s’étaient formées devant les bureaux de vote de ce pays très pauvre, où la campagne a été animée mais exempte d’incidents graves. L’Union européenne, l’Union africaine, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et les Etats-Unis ont déployé de nombreux observateurs électoraux.

Le scrutin présidentiel se déroule en deux tours, à moins qu’un candidat n’obtienne la majorité absolue dès le premier. Le « plus probable » est qu’un second tour oppose George Weah à Joseph Boakai, estime Ibrahim Al-Bakri Nyei, un politologue libérien de la School of Oriental and African Studies (SOAS) de Londres, soulignant l’importance de la troisième place, celle du « faiseur de roi ». Cette position devrait revenir à Alexander Cummings, ancien dirigeant de Coca-Cola pour l’Afrique, selon l’analyste.

A Monrovia, George Weah, facilement élu en 2014 sénateur de la province où se trouve la capitale face à un fils de Mme Sirleaf, devrait remporter de nombreux suffrages. « Je pense qu’il apportera le développement », affirme Grace Dennis, une étudiante de 24 ans, déplorant que « les gens obtiennent des diplômes mais ne trouvent pas d’emploi ».

Fantômes de la guerre civile

Après plusieurs années de forte croissance, avec un sommet à 15,7 % en 2007, l’économie libérienne a stagné entre 2014 et 2016, affectée par l’épidémie d’Ebola et la chute du prix des matières premières. Pour redresser économiquement le pays, ravagé en 2014-2016 par l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, chacun des candidats a insisté sur une recette simple : le développement des routes pour M. Boakai, de l’agriculture pour M. Urey, de l’éducation et de la formation professionnelle pour MM. Weah et Cummings.

Après avoir voté, George Weah a promis en cas de victoire de commencer par « réconcilier les Libériens », avant de « former un gouvernement d’inclusion, auquel tous puissent participer ». « Je suis satisfait qu’autant de Libériens soient venus élire leur dirigeant », a déclaré de son côté M. Boakai, s’engageant à respecter le verdict des urnes.

Mardi, la présidente sortante, 78 ans, qui ne pouvait plus se représenter après deux mandats, a estimé que le Liberia était « prêt pour la transition ». Elle avait déjà appelé lundi les Libériens à mesurer « le chemin parcouru » depuis la guerre civile qui a fait quelque 250 000 morts entre 1989 et 2003. Comme beaucoup d’électeurs de sa génération, Samuel Gbazeki, 64 ans, se dit reconnaissant à l’équipe sortante pour avoir « reconstruit après la guerre », confiant voter pour M. Boakai.

Les fantômes de la guerre civile hantent encore le pays, comme en témoigne la présence parmi les 20 candidats de l’ex-chef de milice Prince Johnson, 65 ans. Aujourd’hui sénateur, il est resté tristement célèbre pour une vidéo le montrant en train de siroter une bière pendant que ses hommes torturaient à mort le président Samuel Doe en 1990.