L’idée est détonante. Pour ne pas dire provocatrice. Mercredi 11 octobre, France Stratégie, l’organe de réflexion rattaché à Matignon, a publié une note dont certaines propositions, au cœur du débat sur la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), en étonneront quelques-uns du côté de Bercy.

Intitulée « Comment assurer la résorption des dettes publiques en zone euro ? », elle évoque plusieurs pistes, que ses auteurs définissent volontiers comme polémiques. « Certains iront jusqu’à les qualifier de dangereuses », écrivent-ils. En particulier, celle-ci : « Permettre à un Etat excessivement endetté de décréter qu’il devient copropriétaire de tous les terrains construits résidentiels. » Et ce, à hauteur d’une fraction limitée de leur valeur.

Radical

Plutôt radical ! Les auteurs, Vincent Aussilloux, Marie Cases, Christophe Gouardo, économistes, et Fabrice Lenglart, commissaire général adjoint de l’institution, posent le constat suivant : les Etats de la zone euro sont encore très endettés. Le redressement de leurs finances publiques prendra des années, pendant lesquelles ils devront, en outre, renforcer l’architecture de la zone euro. « En cas de choc, il pourrait être nécessaire de sécuriser le désendettement public », explique M. Lenglart. Et ce, afin d’éviter une nouvelle crise de panique sur les dettes souveraines, comme en 2012. Comment ?

Les économistes détaillent trois pistes : la solidarité entre Etats membres, le soutien de la Banque centrale européenne et la taxation du patrimoine immobilier. « En France, la dette publique est passée de 56 % à 100 % du produit intérieur brut [PIB] depuis les années 1990, tandis que le patrimoine net immobilier des ménages, lui, est passé de 125 % à 255 % du PIB », détaillent-ils.

« Un spectre de solutions large »

Pour prouver à ses créanciers que sa dette est soutenable, l’Etat concerné pourrait, dès lors, devenir copropriétaire d’une partie des terrains résidentiels. En échange, les propriétaires privés lui verseraient l’équivalent d’une rente annuelle. S’ils ne veulent pas la payer, l’Etat récupérerait la somme due lors de la vente ou de la transmission du bien. L’équivalent, en somme, d’un nouvel impôt sur le capital immobilier résidentiel ou d’une hausse des droits de transmission.

Avantage : la mesure toucherait davantage les foyers les plus fortunés. En outre, l’icidence sur la consommation des ménages – et, donc, sur la croissance –, serait limité. Enfin, la mesure serait moins douloureuse que les cures d’austérité classiques… « Bien sûr, cette proposition, comme les deux autres, soulève de nombreuses difficultés juridiques et politiques, admet M. Lenglart. Mais elle a le mérite d’illustrer que le spectre des solutions envisageables pour sécuriser le désendettement en cas de choc d’envergure est large, bien qu’aucune ne soit sans douleur. »