La communauté LGBT de Hongkong (ici lors de la marche de 2016) a lancé la Saison rose 2017, cinq semaines d’activités pour éduquer à la diversité. / Pacific Press/LightRocket via Getty Images

Fin septembre, la Haute Cour de Hongkong a estimé que les services de l’immigration locaux n’ont pas le droit de refuser un visa, comme ils le font systématiquement, à la compagne ou au compagnon des expatriés homosexuels qui arrivent dûment mariés dans la Région administrative spéciale. Le juge a fait valoir que ce n’est pas aux services de l’immigration de vérifier que le couple se constitue d’un homme et d’une femme. Un certificat de mariage valide doit suffire à obtenir au conjoint un visa de « dépendant », qui permet de travailler, voire, à terme, d’immigrer à Hongkong. Sans ce visa, l’étranger résidant à Hongkong reste « visiteur » et doit sortir du territoire – puis revenir – tous les trois mois. C’est ainsi que, après six ans de procédure, une femme mariée au Royaume-Uni, dont la conjointe a obtenu en 2011 un emploi d’expatrié à Hongkong, devrait enfin obtenir son visa. À moins que l’immigration ne fasse appel de cette décision…

Car les autorités hongkongaises, tout comme une partie de la population, sont loin d’être acquises à la cause homosexuelle. En avril, un fonctionnaire a porté plainte pour discrimination en raison de son orientation sexuelle. Malgré la décision du tribunal lui donnant raison en première instance, le ministère de la justice a fait appel, signe de l’hostilité de l’administration sur ces questions.

Le choix de la double vie

En 2014, le milliardaire hongkongais Cecil Chao avait défrayé la chronique en offrant plus de 50 millions d’euros à l’homme qui épouserait sa fille, Gigi, lesbienne assumée. Pour allier convenance et aspiration, nombre de LGBT hongkongais optent encore pour une double vie. « Pour nous, c’est important qu’il y ait enfin une décision de justice pour signifier qu’administrativement un mariage gay vaut un mariage hétérosexuel. Nous étions exactement dans la même situation avec Joelle », réagit Michele, quelques heures après la décision de la Haute Cour. Bien que mariées à New York, elle et sa compagne ont dû obtenir des visas indépendamment pour venir vivre à Hongkong.

La marche LGBT de 2016 a réuni des centaibes de personnes à Hongkong. Le thème « Prépare-toi et bats-toi pour l’égalité des droits » était symbolisé par la couleur verte. / Pacific Press/LightRocket via Getty Images

Douze banques dont le géant Goldman Sachs ont accueilli cette décision avec soulagement. Pour les centaines de multinationales établies à Hongkong, il est difficile de convaincre certains salariés de venir s’y installer si le ou la conjoint(e) ne peut obtenir de visa de travail. Les chancelleries sont confrontées au même problème. Les entreprises étrangères présentes à Hongkong offrent néanmoins un cadre légal beaucoup plus égalitaire. « Ni Jeff ni moi n’avons jamais subi la moindre discrimination dans nos entreprises ni même avec notre propriétaire », nous affirme Chris. Mais ils travaillent l’un dans la mode, l’autre dans une compagnie aérienne, des secteurs connus pour leur ouverture d’esprit. Et ils ne sont pas hongkongais.

Les LGBT de Hongkong rêvent d’accueillir la XIe édition des Gay Games, en 2022. Aucune ville asiatique n’a encore osé se mettre en lice.

Pour le moment, c’est Taïwan qui est le fer de lance dans la lutte pour le droit des LGBT en Asie. Fin mai 2017, son Conseil constitutionnel a rendu un arrêt historique qui pourrait faire de l’île le premier pays d’Asie à légaliser le mariage pour tous. Reste au Parlement à légiférer en conséquence. En Chine populaire, où la communauté gay est évaluée à 70 millions de personnes, l’homosexualité est restée illégale jusqu’en 1997. Et ce n’est que depuis 2001 qu’elle n’est plus officiellement considérée comme un problème psychiatrique. Selon sondages et témoignages, cela reste dans nombre de cas un tabou, voire une tare difficile à assumer.

La communauté LGBT de Hongkong vient pour sa part de lancer la Saison rose, cinq semaines d’activités pour éduquer et sensibiliser la société hongkongaise à la diversité des orientations sexuelles. Le festival a obtenu dix fois plus de soutien financier que l’an dernier. Les LGBT de Hongkong rêvent d’accueillir la XIe édition des Gay Games, en 2022. Aucune ville asiatique n’a encore osé se mettre en lice. Quant au député homosexuel Raymond Chan, du parti d’opposition People Power, réélu en 2016 avec plus de voix qu’en 2012, il espère voir passer une loi contre la discrimination à l’encontre des LGBT au cours de ce mandat (2016-2020). Toutes les précédentes tentatives ont échoué.