Chiba (Japon), Mélanie Astles le 3 juin 2016 lors d’un entraînement à l’Air Bull Air Race. / PREDRAG VUCKOVIC / RED BULL CONTENT

Mélanie Astles a toujours su où était sa place : « Dans le ciel, là-haut, à voler comme un oiseau. » Pas n’importe quel oiseau : pilote, quintuple championne de France de voltige aérienne, elle tient plus du faucon pèlerin que du moineau lorsque, aux commandes de son petit monomoteur Extra 330LX, elle attaque son parcours à 350 km/h. Elle dispose alors d’une minute pour réussir l’enchaînement parfait, slalomant à 20 mètres du sol entre treize portes balisées par de gigantesques pylônes gonflables, enchaînant les figures perpendiculaires et dorsales…

Mélanie Astles, 35 ans, est la première et unique femme à participer à la Red Bull Air Race, championnat du monde de voltige aérienne dont la finale se joue samedi 14 et dimanche 15 octobre au-dessus de l’ovale d’Indianapolis, aux Etats-Unis.

Les 16 et 17 septembre, elle survolait le Lausitzring près de Dresde, en Allemagne, où se disputait la précédente étape. Dans les airs, les quatorze meilleurs voltigeurs du monde concourent dans la catégorie Masters Pro. Mélanie Astles et huit autres pilotes volent dans la catégorie inférieure des Challengers, porte d’entrée obligatoire de la compétition. « Il faut être humble dans l’aviation », rappelle la jeune femme, d’une voix douce, presque timide.

Melanie Astles Red Bull Air Race Training 1 Abu Dhabi 2017
Durée : 01:32

La veille de la course, sur le coup de 19 heures, la Franco-Britannique analyse les vidéos du run d’entraînement, dont elle a terminé première, pour voir où elle peut grappiller un degré d’angle, un dixième de seconde, qui feront « le truc en plus » de la victoire. En Masters, ce travail est pris en charge par un tacticien, mais les challengers doivent se débrouiller seuls. Mélanie Astles se passe également d’entraîneur depuis le retrait du triple champion du monde Paul Bonhomme, qui participe désormais à l’organisation de la compétition.

Major de sa promotion à Ecole nationale de l’aviation civile

« Mélanie veut gagner à tout prix, mais elle ne doit pas y penser », assure l’ancien pilote. Elle ne pense qu’à cela, bien au contraire, et ce depuis son enfance, passée à Beausoleil (Alpes-Maritimes), près de Monaco. « Sa révélation est venue lors d’une démonstration aérienne, elle avait 6-7 ans », se souvient sa mère. Installée par son père dans le cockpit d’un avion de chasse, elle y découvre le bonheur de « bouger en trois dimensions ».

De retour sur terre, la jeune Mélanie se met à collectionner cartes d’avion, photos d’avions, maquettes… Mais l’incompréhension grandit autour d’elle. « Je vivais une passion, et on m’a découragée de la réaliser. J’avais 15 ans, je voulais être pilote de chasse. » L’adolescente a un modèle : Caroline Aigle, polytechnicienne devenue, à 24 ans, la première femme pilote de chasse.

Avant chaque course, Mélanie Astles mime son parcours aérien. / PREDRAG VUCKOVIC / RED BULL CONTENT

Sa famille, d’abord réticente, a fini par adhérer à son projet

A 19 ans, à deux semaines de la rentrée scolaire, Mélanie Astles décide d’abandonner ses études. « Je n’oublierai jamais le conseiller d’orientation qui m’a dit : “Vous faites la plus grave erreur de votre vie.” Rien ne me motive plus que quelqu’un qui me dit que je n’arriverai pas à faire quelque chose. » La jeune femme devient caissière de station-service, mais se voit rapidement confier des responsabilités. L’expérience est formatrice : « J’ai appris ce que c’était que d’être une femme dans un milieu d’hommes. »

« C’était très bizarre. J’étais dans ce qu’on appelle la “zone” [de performance], raconte-t-elle. C’est fluide, rien ne force, tout paraît simple. Je ne sais pas pourquoi il y a des jours comme cela… D’autres pas. »

Un intérim la mène à proximité d’un aérodrome où, un soir, elle s’aventure. Elle en ressort avec un rendez-vous pour une initiation… En 2008, son diplôme de pilote en poche, elle entre à l’Ecole nationale de l’aviation civile (ENAC) pour devenir instructrice, et sort major de sa promotion. Entre-temps, elle intègre une équipe de voltige aérienne et participe aux championnats du monde 2015, où la France remporte le titre par équipe. La voici retenue pour la Red Bull Air Race.

Le succès aidant, sa famille, d’abord réticente, a fini par adhérer à son projet. « Quand Mélanie a commencé à prendre des leçons de pilotage, je suis allée avec elle à l’aérodrome, où une de ses copines faisait de la voltige : mon Dieu !, raconte sa mère. Avec le temps, quand j’ai vu comment elle aimait ça, j’ai joué la confiance pour me rassurer. J’ai confiance en elle. »

Moment de grâce

Avec son père, qui voulait que sa fille soit avocate ou traductrice, cela a pris plus de temps. Jusqu’aux débuts de Mélanie Astles dans la Red Bull Air Race : « Il est venu assister à ma première course, en Autriche en 2016, sur le tracé très encaissé de Spielberg. Et là, il m’a vue heureuse, épanouie. C’était comme une révélation, super émouvant. Il m’a dit qu’il s’en voulait, qu’il avait été stupide, que j’avais raison, que la vie, c’était ça : vivre sa passion. »

Le père de Mélanie Astles est venu la voir à Spielberg, en Autriche, lors de la Red Bull Air Race 2016 : une révélation. / PREDAG VUKOVIC/RED BULL CONTENT

Parfois, il y a des moments de grâce, comme ce vol lors de la manche allemande de la Red Bull Air Race, près de Dresde. « C’était très bizarre. J’étais dans ce qu’on appelle la “zone” [de performance], raconte-t-elle. C’est fluide, rien ne force, tout paraît simple. Je ne sais pas pourquoi il y a des jours comme cela… D’autres pas. J’ai pris beaucoup de plaisir. »

Le lendemain, un dimanche, Mélanie Astles a frôlé l’exploit mais déchiré un pylône. « A un millimètre près… » La voltige exige une précision extrême, du pragmatisme et « d’avoir les pieds sur terre », s’amuse la Franco-Britannique, qui commence parallèlement, fin octobre, une formation de pilote de ligne chez Air France. « J’ai réussi les sélections il y a trois ans, depuis j’étais sur liste d’attente », dit-elle.

« J’ai toujours pensé que ça finirait par marcher, même quand tout le monde me disait que je n’y arriverais pas. »

Voltige aérienne pratique

La Fédération française d’aéronautique (FFA) compte 42 000 licenciés et 600 000 heures de vols annuels, ce qui place la France au 2e rang mondial derrière les Etats-Unis, une très bonne place due au passé des pionniers de l’aviation hexagonaux.

600 aéro-clubs affiliés à la FFA forment au pilotage. Ce qui correspond à un terrain d’aviation tous les 50 km, un maillage initié par le gouvernement d’après-guerre.

La licence de pilote privé et un certain nombre d’heures de vol permettent de débuter une formation de voltige.

Le coût moyen de l’heure de vol en France se situe entre 85 euros et 155 euros, soit pour un minimum exigé de 45 heures, un coût total de formation variant de 5 000 euros à 7 000 euros. « Si vous comparez ces sommes au budget annuel d’un fumeur, cela vous donnera peut-être envie d’arrêter de fumer pour réaliser un vieux rêve : voler ! », commente la FFA sur son site.

Pratiquer la voltige aérienne : ici.