Depuis son entrée en fonction, le 20 janvier, Donald Trump a certifié le Plan d’action conjoint à deux reprises : le 18 avril et le 17 juillet. / EVAN VUCCI / AP

Après des mois de tergiversations et de menaces, le président américain, Donald Trump, s’est prononcé, vendredi 13 octobre, sur le sort de l’accord sur le nucléaire iranien. Le président américain a annoncé la « non-certification » des engagements de l’Iran.

Appelé « Plan d’action conjoint » (Joint Comprehensive Plan of Action, JCPOA), cet accord, qui a été signé le 14 juillet 2015 entre la république islamique et les puissances du P5 + 1 (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, plus l’Allemagne), vise à empêcher l’Iran de se doter de la bombe atomique.

Le JCPOA est entré en vigueur en janvier 2016, lorsque l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a confirmé que Téhéran respectait ses engagements afin de garantir le caractère strictement civil et pacifique de son programme nucléaire. En contrepartie, les Américains et les Européens ont levé leurs sanctions envers l’Iran liées au nucléaire.

Le droit de regard du Congrès sur l’accord avec l’Iran

Ce « plan d’action » n’étant pas un traité, il n’a pas été soumis par Barack Obama au Congrès pour ratification. En riposte, le 114e Congrès des Etats-Unis (2015-2016), dans lequel les Républicains avaient la majorité, a adopté une loi, l’Iran Nuclear Agreement Review Act (INARA), qui oblige le président à « certifier » tous les 90 jours au Congrès que :

  • l’Iran respecte l’accord totalement et dans la transparence ;
  • l’Iran n’est pas responsable de violations matérielles du texte ;
  • l’Iran n’a pas développé son programme nucléaire en vue de se doter de l’arme atomique ;
  • l’accord de 2015 reste vital pour l’intérêt et la sécurité nationaux des Etats-Unis.

« La décertification de l’accord est un processus qui ne concerne que les Etats-Unis », précise la chercheuse en relations internationales Lélia Rousselet.

Menaces de Trump

Depuis son entrée en fonction, le 20 janvier, Donald Trump a certifié le Plan d’action conjoint à deux reprises : le 18 avril et le 17 juillet. Mais dans un entretien au Wall Street Journal, le 25 juillet, il a prévenu qu’il serait surpris que l’Iran respecte sa part de l’accord, passant outre l’avis de ses conseillers et de sa majorité au Congrès.

Le général Jim Mattis, chef du Pentagone, a lui affirmé que le texte était dans l’intérêt de la sécurité nationale des Etats-Unis. « Malgré les défauts de cet accord, je suis convaincu que nous devons aujourd’hui l’appliquer à la lettre », a aussi déclaré Ed Royce, le président républicain de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants.

« Au sein du Congrès, les opposants à l’accord de 2015 considèrent désormais qu’il ne faut pas revenir dessus », observe Lélia Rousselet.

Donald Trump accuse Téhéran de violer « l’esprit » de l’accord en raison de son rôle « déstabilisateur » au Moyen-Orient et estime que le quatrième point n’est pas respecté. Fin août, Nikki Haley, l’ambassadrice américaine à l’ONU, a annoncé que les Etats-Unis voulaient des inspections plus poussées de l’AIEA en Iran.

Ouverture d’une période d’incertitude

En refusant de « certifier » le JCPOA, en dépit des assurances de l’AIEA, Donald Trump risque d’ouvrir une période d’incertitude dans les relations internationales. Une « non-certification » placerait, de facto, le Congrès américain en première ligne : les élus auraient alors 60 jours pour décider de réimposer, ou non, les sanctions levées depuis 2015. Le Congrès pourrait aussi décider de ne rien faire. « Si le Congrès ne rétablit pas les sanctions, l’accord n’est pas mort », reprend Lélia Rousselet.

La réaction de l’Iran sera scrutée attentivement. « Si les Etats-Unis prennent une position hostile à l’égard d’un accord international, ils ne s’opposeront pas seulement à l’Iran mais au monde entier », a lancé le président iranien, Hassan Rohani. Outre Téhéran, Moscou, Pékin, Paris, Londres et Berlin ont mis en garde contre un retour en arrière aux conséquences imprévisibles.

Thierry Coville, chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Iran, estime que « les modérés au pouvoir en Iran sont dans l’expectative. Mais ils estiment que M. Trump est isolé sur la scène internationale et ils se sentent en position de force : ils sont en Syrie, en Irak, face à l’Etat islamique. »

La décision américaine pourrait contribuer à relancer la course aux armements et la prolifération nucléaire, avec une Arabie saoudite qui s’oppose à l’expansion géopolitique de l’Iran dans la région et un Etat d’Israël qui considère la république islamique comme une menace pour sa propre existence.

« Incontestablement, cela nuira au climat de prévisibilité, de sécurité, de stabilité et de non-prolifération dans le monde entier », a souligné vendredi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Au-delà de l’Iran se posera la question de la stratégie américaine : « Comment avoir une stratégie crédible vis-à-vis de la Corée du Nord si Donald Trump se comporte de manière aussi imprévisible avec l’Iran », poursuit Thierry Coville ?