Téléfilm sur Arte à 20 h 55

Les heures souterraines - Bande-annonce
Durée : 00:31

Septembre à Paris. Mathilde (Marie-Sophie Ferdane) se rend à son travail, la boule au ventre. Depuis des mois, cette cadre d’une grande entreprise subit le harcèlement de son chef, « un connard en costume trois pièces » qui la détruit à petit feu. Au même moment, dans un hôtel de Normandie, Thibault (Mehdi Nebbou) décide, après un triste week-end passé avec elle, de rompre avec Lila. Docteur à SOS Médecins, il soigne la souffrance des autres. Contre la sienne, il n’a pas de remède. Durant cent cinq minutes, ces deux personnages vont traîner leur vie dans la capitale, subir les agressions d’un patron pour l’une et la douleur des patients pour l’autre, se frôler sans se rencontrer. Tel est le thème de ces Heures souterraines, la solitude que l’on vit seul, en couple ou au milieu des autres. De cette déambulation, on ressort affaibli et épuisé.

Vide et claustration

Adapté du roman éponyme de Delphine de Vigan (Jean-Claude Lattès, 2009), dont il a conservé la forme – l’alternance sur deux personnages –, le téléfilm de Philippe Harel a pour premier mérite de donner une dimension et une puissance physiques au livre. A tel point que c’est à une épreuve tout aussi physique que le téléspectateur paraît avoir été soumis, une fois le film achevé. Et ce, pas seulement parce que le cinéma incarne et donne chair, mais parce que le réalisateur sait saisir la dureté de la ville. Cadrages serrés sur le visage d’un des protagonistes comprimé dans la foule, usage de scènes répétitives (embouteillages, interphones, ascenseurs…), utilisation de la voix off qui décrit en parallèle l’état mental de Mathilde et celui de Thibault… Tout contribue à exprimer et, surtout, à faire ressentir le vide, la claustration des êtres pris dans la réalité urbaine.

Mathilde (Marie-Sophie Ferdane) subit le harcèlement de son chef. / © PATRICK FOURNIAL

Ce thème, Philippe Harel l’exploite à la manière d’une poupée russe. En grand format, la solitude des deux protagonistes, et pour les suivants, celle des patients que visite Thibault (une femme en pleine crise de claustrophobie, un homme en prise à des bouffées délirantes…) et celle aussi des passants dans la rue, pris dans un mouvement dont ils ne sont plus maîtres. Il n’est pas un endroit, dans ces Heures souterraines, où l’on puisse échapper à ce sentiment. Ni dans la voiture de Thibault, où les bruits de la ville parviennent feutrés à travers les vitres, ni au milieu de la multitude où se fond chaque jour Mathilde dans le métro.

Bulle et tourbillon

Mieux qu’un rythme haletant et une bande-son saturée, Philippe Harel (Les Randonneurs ; Extension du domaine de la lutte, adapté du roman de Michel Houellebecq ; Tu vas rire mais je te quitte…) a fait le choix de la lenteur et de quelques notes de piano lancinantes. Histoire de donner corps à la bulle qui enferme les personnages plutôt qu’au tourbillon environnant.

Delphine de Vigan dit avoir rencontré le réalisateur, aimé la lecture qu’il avait faite de ses Heuressouterraines et ne plus s’être mêlée de rien. « Une adaptation, c’est toujours une interprétation : un auteur s’empare du travail d’un autre pour se l’approprier. Parfois, c’est une trahison, et il y en a de très belles… » Ce téléfilm a été récompensé des prix de la meilleure fiction unitaire et de la meilleure interprétation féminine au Festival de Luchon 2015, ainsi que du prix Jérôme-Minet au FIPA 2015.

Les Heures souterraines, de Philippe Harel. Avec Marie-Sophie Ferdane, Mehdi Nebbou, Eric Savin (Fr., 2015, 105 min.).