La maire de Paris, Anne Hidalgo, a annoncé jeudi sa volonté de limiter la circulation des voitures à essence dans les rues de la capitale d’ici à 2030. Cet objectif s’inscrit dans le cadre du plan climat 2020-2050, qui doit être débattu au Conseil de Paris en novembre. La fin du diesel est déjà programmée pour 2024, l’année où Paris accueillera les Jeux olympiques.

Stéphane Mandard, journaliste au service Planète du Monde, a répondu à vos questions au lendemain de cette annonce.

Banlieusard : si dans quelques années, Paris englobe les départements de la petite couronne, est-ce que ces restrictions s’y appliqueront aussi ?

En fait, la décision de la Mairie de Paris de mettre fin aux voitures diesel et essence d’ici à 2030 ne fait qu’anticiper l’annonce faite par Nicolas Hulot en juillet dans le cadre du plan climat de mettre un terme à la vente des véhicules à moteur thermique d’ici à 2040. Donc la petite et la grande couronne seront aussi concernées, comme l’ensemble du territoire français.

Artemis : on connaît les grandes disparités d’avis entre la population parisienne et celle de banlieue, ou tout du moins la position de leurs élus. Quels pourraient être les scénarios, s’agissant des personnes appelées à voter ? Peut-on imaginer un arbitrage type ministère ou Grand Paris ?

La place de la voiture à Paris est un sujet très clivant qui cristallise les oppositions politiques. La région Ile-de-France, dirigée par Valérie Pécresse, reproche ainsi à la maire de Paris, Anne Hidalgo, sa « méthode autoritaire » et de mener une guerre sans merci contre la voiture. La votation qu’a évoquée Anne Hidalgo devrait être organisée au printemps, nous n’en connaissons pas encore les modalités mais la mesure concernant Paris, il est fort probable que la décision finale reviendra à la mairie.

Vinfer : bonjour. Cette mesure vise à réduire la pollution causée par les véhicules à moteur thermique mais pas à réduire le nombre de voitures circulant en ville. Peut-on imaginer à Paris une mesure de restriction de circulation (ZTL) similaire à celles de certaines villes européennes (notamment en Scandinavie, à Londres ou en Italie si ma mémoire est bonne) ?

Paris est déjà une zone à circulation restreinte. C’est pourquoi les automobilistes qui circulent dans Paris doivent avoir la fameuse vignette de qualité de l’air Crit’Air sur leur pare-brise. Depuis le 1er juillet, les véhicules diesel immatriculés avant 2006 ne peuvent ainsi plus rouler en semaine entre 8 heures et 20 heures. Et ces interdictions vont être progressivement étendues à d’autres véhicules y compris essence.

Elric : comment ont réagi les constructeurs automobiles à cette déclaration, qui fait suite à celle de M. Hulot d’interdire les voitures essence et diesel ? Très peu de modèles sont en développement à l’heure actuelle, et ceux du marché demeurent très onéreux.

Depuis le scandale du Dieselgate, en 2015, les constructeurs automobiles ont compris que le diesel était une impasse technologique. Par ailleurs, le thème de la pollution de l’air, qui est responsable de 48 000 décès prématurés par an en France, est devenu un enjeu de santé publique. Les constructeurs savent donc que les jours de la motorisation essence sont aussi comptés. Aussi, la plupart ont pris le virage de l’électrique et de nouveaux modèles sont en préparation. Si leur prix restent effectivement encore élevés, ils devraient baisser dans les prochaines années.

Brita : combien de bornes de recharge pour voiture électrique compte-t-on à ce jour dans Paris ?

On compte une soixantaine de stations de recharge pour véhicules électriques Belib’, le réseau public. Mais il existe d’autres réseaux de bornes de recharge en Ile-de-France : Autolib et Sodetrel, qui fonctionnent sur abonnement.

Tom : est-il question d’une limitation ou d’une interdiction ?

« Interdiction », c’est le mot interdit ! La Mairie de Paris s’efforce de le proscrire de ses éléments de langage pour ne pas raviver les critiques envers Anne Hidalgo, accusée notamment par l’opposition de droite de mener une guerre à la voiture. C’est pourquoi la Ville s’efforce d’expliquer que la tendance actuelle à délaisser la voiture au profit de modes de transports plus « doux » (transports collectifs ou vélo), combiné à l’essor des véhicules hybrides, aboutira de facto à la disparition des voitures à moteur thermique des rues de Paris d’ici à 2030.

Tim : quels efforts en termes de transport public vont être effectués pour palier à l’« interdiction » de la voiture dans Paris ?

Dans la perspective de l’accueil des Jeux olympiques en 2024, le projet du Grand Paris Express est sur les rails (sans faire de mauvais jeux de mots). Par ailleurs, la Mairie réfléchit également à la création d’un tram-bus électrique dans le centre de Paris au-dessus des quais fermés à la circulation.

Ludovic : quelle est la part de la voiture dans les émissions de CO2 à Paris, en France et dans le monde ?

Il y a une confusion entre le CO2 (pas bon pour le climat pour simplifier) et les particules (pas bonnes pour la santé). Pendant des années, on a vanté les mérites du diesel parce qu’il émettait moins de CO2 sans se soucier des particules et des fameux NOx (oxydes d’azote) rendus tristement célèbres par le Dieselgate. Aujourd’hui, la fin des moteurs essence et diesel est d’abord dictée par un enjeu de santé publique.

PiétonParisien : quid de l’impact écologique des voitures électriques et notamment la production de leurs batteries ? Ne fait-on pas que déplacer le problème en polluant d’autres parties du globe (extraction du lithium) ? et sait-on évaluer les ressources disponibles de lithium ?

C’est une bonne question et que n’a d’ailleurs pas manqué de soulever l’actuel patron de PSA, qui a été le chantre du « diesel propre » pendant de longues années. Les constructeurs et les pouvoirs publics doivent se poser rapidement cette question pour que l’électrique ne devienne pas non plus dans quelques années, comme le diesel, une impasse technologique. Les ressources en lithium et en cobalt ne sont pas renouvelables et que fait-on des batteries qui ont une durée de vie limitée ?

Thierry : est-ce que le périphérique est concerné ? Tous les véhicules sont-ils concernés : poids lourds, bus, camionnettes, motos, scooters, ou seulement les berlines ? comment vont faire les taxis, avec une autonomie quand même limitée ?

Aujourd’hui, le périphérique n’est pas inclus dans la zone de circulation restreinte (voir notre article sur l’interdiction des véhicules les plus polluants), même si celle-ci devrait être étendue à la petite, voire à la grande couronne. La mairie n’a pas encore communiqué sur le sujet.

Même incertitude pour le type de véhicules concernés. Hier, Christophe Najdovski, adjoint EELV aux transports, a tout de même précisé que la ville offrait par exemple des aides aux commerçants, artisans et taxis, pour s’équiper en véhicules propres. Elle a aussi investi dans l’achat de douze autocars électriques pour les transports scolaires.

Rakaye de Banliou : que compte faire la mairie pour assainir le métro et le RER car la pollution y est plus importante en moyenne sur l’année qu’en surface lors des pics de pollution ?

La question de la pollution dans le métro et le RER est un peu taboue. Les capteurs placés dans plusieurs stations font état de taux particules très élevés, surtout dans les tunnels. Ce sont d’abord les travailleurs qui y sont exposés. La RATP connaît le problème et essaie d’améliorer les systèmes de freinage de ses trains et les systèmes de ventilation. Mais c’est un chantier colossal et coûteux.