« Ce qui est croquignolesque, dans le monde où nous vivons, c’est que nous finançons le logement social mais il augmente les loyers et nous finançons de l’autre côté les locataires les plus modestes par les APL [aides personnalisées au logement]. On dépense des deux côtés ! » Dans son entretien télévisé sur TF1, dimanche 15 octobre, le président de la République s’est montré particulièrement critique à l’égard des organismes HLM. « Le gouvernement va demander aux acteurs du logement social d’un peu baisser les loyers » et « en face, on va baisser d’autant les APL ».

L’effet inflationniste des aides au logement sur les loyers est pourtant controversé. Il peut jouer sur les loyers privés, notamment ceux des résidences pour étudiants où les bailleurs fixent leurs loyers en anticipant sur l’aide que touchera le locataire, mais il est nul dans le parc social, où les loyers sont, par nature, réglementés.

La loi de finances pour 2018 prévoit une baisse générale des APL de 1,7 milliard d’euros, appliquée dans le seul parc social aux 2,5 millions des ménages qui la perçoivent. Pour que les locataires HLM « APL-isés » ne subissent pas de perte, le gouvernement oblige les bailleurs sociaux à compenser intégralement la baisse de leur APL par une réduction de loyer qui représente, pour les bailleurs sociaux, une diminution d’en moyenne 7 % de leurs recettes, mais bien plus pour ceux qui logent beaucoup de ménages modestes, précisément ceux qui perçoivent une APL importante en raison de leurs faibles revenus.

Le monde HLM trouve la ponction injuste, puisque, sur les 18 milliards d’euros d’aides au logement (APL, Allocation logement), seuls 45 % vont aux locataires HLM tandis que 55 %, auxquels le gouvernement ne touche pas, vont à ceux du parc privé. Les représentants du monde HLM l’ont fait savoir en claquant la porte des négociations. Ces derniers jours, les manifestations, journées portes closes des bailleurs sociaux, protestations d’élus locaux – qui sont souvent président des offices publics HLM –, démissions, menaces de ne plus construire de nouveaux logements ou de reporter les rénovations, se sont multipliées.

Le fonctionnement des HLM critiqué

Ce climat tendu entre les bailleurs sociaux et Emmanuel Macron explique en partie la sévérité de ses propos dimanche soir : « Dans le monde HLM, il y a des réserves, il y a des acteurs qui ont beaucoup d’argent. On va leur demander de faire un effort. De l’autre coté, il y a aussi des organismes qui produisent beaucoup ou n’ont pas de réserve ou encore Iogent des publics en difficulté. Ceux-là, nous les accompagnerons, nous les recapitaliserons. »

Le chef de l’Etat évoque ici ceux que l’on surnomme « les dodus dormants » et la possibilité de capter leur trésorerie pour renflouer celle des organismes moins dotés. Depuis 2009, la baisse des taux d’intérêt des crédits – les HLM ont 160 milliards d’euros d’emprunts en cours auprès de la Caisse des dépôts – a notamment allégé les remboursements des « dodus dormants » et leur a donné un peu d’air. Mais depuis 2010, s’opère une mutualisation des fonds entre organismes riches et moins riches : en 2018, ce sont 350 millions d’euros qui seront mis au pot commun et redistribués à ceux qui investissent, c’est-à-dire construisent. La production est d’ailleurs au rendez-vous, avec plus de 100 000 logements sociaux neufs sortis de terre en 2017, un record et le quart de la production nationale de logements.

Enfin, Emmanuel Macron a critiqué le fonctionnement même des organismes HLM. « Il y a près de 800 organismes HLM : vous ne trouvez pas que c’est trop ? », a-t-il demandé à son interlocuteur, David Pujadas, estimant que cette situation occasionne beaucoup de frais structurels. Il existe en effet 723 organismes HLM qui ont commencé à se regrouper. Dans certaines communes, comme Evry (Essonne) ou Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis), la multiplicité des acteurs est un frein aux opérations de rénovation urbaine.