Fort d’un satisfecit de Bruxelles sur sa trajectoire de réduction des déficits, le gouvernement défend mardi 17 octobre dans l’hémicycle son premier budget avec de longues passes d’armes en vue autour de la réforme de l’ISF, défendue bec et ongles par Emmanuel Macron.

Pas moins de 1 200 amendements ont été déposés sur ce premier volet du projet de loi de finances consacré aux « ressources » qui sera débattu toute la semaine, à partir de 16h.

L’objectif de l’exécutif, qui présente en même temps une loi de programmation des finances publiques jusqu’en 2022, est que la France, dernier pays de la zone euro en procédure de déficit excessif avec l’Espagne, sorte du viseur au moment où elle propose de réformer en profondeur l’UE.

15 milliards d’économies prévues en 2018

Après être revenu juste sous le seuil des 3% du PIB de déficit en 2017, l’exécutif prévoit 2,6% en 2018 et un quasi-retour à l’équilibre en 2022, à la faveur d’une croissance de 1,7 à 1,8% et d’une très faible progression de la dépense.

Le premier ministre Edouard Philippe est allé défendre cette trajectoire lundi à Bruxelles. « Je crois que la France sortira de cette situation inconfortable (de déficit excessif) pendant l’exercice 2018 », a réagi le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker en pointant des perspectives « dans la bonne direction ».

Pour y arriver, le gouvernement a prévu en 2018 près de 15 milliards d’économies : sept pour l’Etat, avec des coupes controversées dans les aides au logement et contrats aidés notamment, cinq pour la Sécurité sociale, trois pour les collectivités locales.

Cela passe mal à gauche alors qu’en même temps ce budget transforme l’ISF en impôt sur la seule « fortune immobilière » (IFI) qui, conjuguée à l’introduction d’une « flat tax » de 30% sur les revenus du capital, va priver l’Etat de 4,5 milliards d’euros.

« Cadeaux » aux plus aisés

Socialistes, Insoumis, communistes dénoncent un « cadeau aux plus riches ». Car, souligne Valérie Rabault (Nouvelle gauche), ex-rapporteure générale du Budget, « plus le patrimoine d’une personne augmente, plus sa composante financière s’accroît ».

« Je ne crois pas à la jalousie française qui consiste à dire il y a des riches, taxons-les, nous nous porterons mieux », a répondu dimanche sur TF1 Emmanuel Macron, selon qui l’ISF n’était pas payé par « les grandes fortunes » et a fait « perdre beaucoup de talents ».

La République en Marche fait « le pari » que les Français aisés investiront leur épargne dans les entreprises. La chef de file LREM de la commission des Finances, Amélie de Montchalin, a « donné rendez-vous » aux banquiers et assureurs le 22 janvier à l’Assemblée pour qu’ils lui remettent « une feuille de route où ils s’engagent à créer des produits financiers en faveur des PME ».

En dépit des doutes exprimés y compris au sein de la majorité (le Modem présentant un amendement pour maintenir l’ISF en excluant la détention de titres du périmètre), LREM ne reviendra pas sur les principes de la réforme mais compte surtaxer des « signes extérieurs de richesse » (yachts, voitures de sport et métaux précieux) pour éviter « des effets d’aubaine », avec cependant un rendement très limité (moins de 50 millions d’euros).

La droite veut aller plus loin

Hostile de longue date à l’ISF, la droite, qui pourrait avoir des échanges tendus avec deux ministres venus de ses rangs (Bruno Le Maire et Gérald Darmanin) est dans une position inconfortable. Elle déplore que le gouvernement « ne soit pas allé jusqu’au bout » en gardant l’IFI, ou ne fasse pas assez d’économies avec 1 600 postes de fonctionnaires supprimés sur 120 000 annoncés pour le quinquennat. LR se veut aussi le défenseur des retraités face à la hausse de la CSG qui figure dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, dont les députés démarrent l’examen mardi en commission.

Dimanche soir, Emmanuel Macron a appelé les retraités à prendre en compte la suppression en trois ans de la taxe d’habitation, autre mesure phare du budget, qui « dans une grande partie des cas compensera ce 1,7 point de CSG ».

Comme chaque année, des protestations sectorielles s’inviteront au débat. Les principaux syndicats de France Télévisions ont lancé un appel à la grève mardi qui devrait être très suivi, et auquel s’est associée la CGT de Radio France, pour protester contre la baisse des crédits.