Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, le 14 septembre, à Paris. / LUDOVIC MARIN / AFP

Faire payer davantage les entreprises qui coûtent le plus cher à l’assurance-chômage et moins les autres ? L’idée, défendue de longue date par plusieurs syndicats, est à l’étude au ministère du travail. Elle repose sur un principe simple : l’instauration d’un « bonus-malus » fondé sur une taxation variable des contrats courts. Les employeurs, qui auraient massivement recours aux CDD ou à l’intérim, verraient leurs cotisations patronales augmenter. Les plus « vertueux », à l’inverse, seraient moins ponctionnés.

« C’est une question de justice », a défendu, lundi 16 octobre, sur Franceinfo, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire. « Nous aidons les entreprises, nous libérons leur capacité de production, nous allons alléger massivement la fiscalité du capital (…), nous allons baisser l’impôt sur les sociétés. Il faut que, d’un autre côté, les entreprises aient un comportement qui soit favorable à l’emploi », a-t-il martelé. Reste à convaincre les intéressées.

Car, si le CDI demeure la norme en France, puisqu’il concerne plus de 85 % des salariés, les recours aux CDD ont explosé dans les années 2000. Fin 2015, ils représentaient 87 % des recrutements, plus de la moitié pour une durée de moins d’un mois. On estime qu’un CDD sur deux est aujourd’hui une réembauche dans la même entreprise. Un recours aux contrats courts qui pèse lourdement sur les comptes de l’assurance-chômage.

  • Ce qui existe aujourd’hui

Le financement de cette dernière est aujourd’hui assuré par des cotisations salariales et patronales fixes. Les entreprises contribuent à hauteur de 4 % de leur masse salariale (une surtaxe de 0,05 % doit s’ajouter le 1er novembre) et les salariés à hauteur de 2,4 % de leur rémunération brute.

Ces taux s’appliquent pour tous les contrats, CDI ou CDD. Seule exception : les CDD d’usage, dont la durée est inférieure ou égale à trois mois, et pour lesquels la cotisation patronale s’élèvera bientôt à 4,55 %. Plus souples que les CDD classiques, ils sont surtout utilisés dans les secteurs comme l’hôtellerie-restauration, les spectacles ou les services à la personne. Ils ne comportent ni délai de carence, ni limitation de renouvellement, ni versement d’indemnités de fin de contrat. Leur surtaxation est le dernier vestige d’un dispositif mis en place en 2013 dans le cadre de la loi sur la sécurisation de l’emploi.

  • Le mécanisme de 2013 en France

Car ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement s’essaie à moduler les cotisations patronales sur les contrats courts. Le mécanisme de 2013 imposait, outre la surtaxation des CDD d’usage, des majorations pour les CDD de moins d’un mois (7 % de cotisation) et ceux d’un à trois mois (5,50 %). Négocié âprement, le dispositif ne s’appliquait pas à quantité de contrats courts comme les CDD saisonniers, les contrats d’intérim et certains CDD de remplacement. Sa suppression a été entérinée par les partenaires sociaux en mars.

« C’était une mesure plus symbolique qu’effective, observe Bruno Coquet, chercheur associé à l’Observatoire français des conjonctures économiques. Elle comportait trop d’exceptions et a eu fatalement peu d’impact sur l’emploi et les comptes de l’assurance-chômage. Pourtant, le principe est bon : un assureur doit taxer ce qui lui coûte cher. Il n’est pas normal que les entreprises vertueuses subventionnent par des cotisations à taux fixes celles qui ne le sont pas. »

  • La surtaxation à l’américaine

L’économiste en veut pour preuve le mécanisme d’« experience rating » en vigueur aux Etats-Unis. Ce système, instauré en 1935 pour compenser les effets du chômage partiel, pénalise les entreprises qui coûtent le plus à l’assurance-chômage par rapport à une moyenne de prestations calculée pour chaque secteur d’activité. Contrairement à ce qui a été mis en place en France ainsi qu’au Portugal, en Espagne et en Italie, la surtaxe s’applique quels que soient les contrats, longs ou courts. Et varie en outre selon les Etats.

  • Un dispositif contesté

« On a étudié le dispositif américain, mais la couverture, là-bas, et la durée d’indemnisation sont sans commune mesure avec ce qui existe chez nous. Les chômeurs ne touchent pas 80 % de leur salaire pendant deux ans », s’emporte François Asselin président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Dénonçant une « lubie » du gouvernement, il regrette que la variabilité des cotisations sur les contrats courts « revienne sur la table alors que la question a déjà été discutée » en France. Le Medef souligne pour sa part que les CDD sont déjà surtaxés de 10 % avec la prime de précarité.

Pour Denis Ferrand, économiste chez Coe-Rexecode, un think tank proche du patronat, le mécanisme aujourd’hui à l’étude risque d’avoir des effets néfastes sur le coût du travail dans certains secteurs d’activité qui dépendent largement des contrats courts. L’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie a d’ores et déjà appelé à montrer « un front uni » contre toute remise à plat des règles en vigueur actuellement.