Des Vénézuéliens attendent de voter aux élections des gouverneurs, à Caracas, le 15 octobre. / RICARDO MORAES / REUTERS

La victoire controversée des candidats chavistes aux élections régionales du 15 octobre relance la crise vénézuélienne, et radicalise les deux camps. Selon le Conseil national électoral (CNE), les candidats du président Nicolas Maduro l’ont emporté dans 18 Etats sur 23. Les opposants espéraient que leur majorité dans l’opinion se verrait confirmée dans les urnes.

Mercredi 18 octobre, les gouverneurs élus sont convoqués à prêter serment et donc à faire allégeance devant l’Assemblée constituante. Mais celle-ci n’est reconnue ni par l’opposition ni par la communauté internationale, et devrait être boycottée par les cinq gouverneurs de l’opposition élus dimanche. Composée uniquement de partisans de l’ancien président Hugo Chavez (1999-2013), la Constituante s’est arrogé les pleins pouvoirs, au-dessus de toutes les institutions, y compris du Parlement contrôlé par les opposants.

« Les gouverneurs ne doivent pas être investis par l’Assemblée constituante, désignée de manière frauduleuse », a déclaré le député d’opposition Henry Ramos Allup. Le dirigeant du parti social-démocrate Action démocratique veut calmer le jeu en attendant un audit du scrutin régional. A son avis, le transfert d’électeurs de leur bureau de vote habituel à un autre, à la dernière heure et sans les en avoir informés, a provoqué une forte abstention au détriment des opposants.

« On leur a tiré dessus »

Dans l’Etat de Miranda (périphérie de Caracas), 225 000 transferts ont en effet débouché sur 136 000 abstentions. Résultat : le candidat chaviste a devancé l’opposant par 75 000 voix. Le candidat de l’opposition, Carlos Ocariz, maire du quartier populaire de Sucre, dénonce aussi l’achat de voix, l’entrave aux observateurs du scrutin et les agressions des « collectifs », les groupes paramilitaires chavistes, contre les bus affrétés par l’opposition. « A Guarenas, on leur a tiré dessus, s’indigne-t-il. Comment reconnaître les résultats avec autant d’irrégularités ? »

Tous les candidats perdants n’adoptent pas la même attitude. Ainsi, l’opposant Henri Falcon, un ancien chaviste, a admis sa défaite dans l’Etat de Lara en dépit des irrégularités commises. En revanche, dans l’Etat de Bolivar, Andrés Velasquez ne reconnaît pas l’avantage de son adversaire, d’à peine 1 471 voix (0,26 %). Il a été victime d’une autre entorse commise par le CNE : le refus de retirer des bulletins de vote les noms des candidats éliminés lors des primaires de l’opposition, le 10 septembre. Sujets à la confusion, 3 787 électeurs de Bolivar ont vu leur suffrage annulé parce qu’ils ont voté pour Francisco Sucre, qui s’était désisté pour Andrés Velasquez.

Le scrutin relance les divisions au sein de l’opposition. Ceux qui avaient prôné le boycott ont été confortés. « Il n’y aura pas d’issue électorale au Venezuela tant qu’il n’y aura pas de changement au CNE », a prédit l’ancienne députée Maria Corina Machado. La coalition électorale des opposants, la Table de l’unité démocratique (MUD), « est mal dirigée », assure de son côté Antonio Ledezma, ancien maire métropolitain de Caracas placé en résidence surveillée.

La question risque de se reposer à court terme, lors des municipales, en attendant la présidentielle de 2018. Toutefois, la contestation des résultats ne se limite pas aux opposants vénézuéliens. Le Canada et onze pays latino-américains ont critiqué « les divers obstacles, les actes d’intimidation, la manipulation et les irrégularités » des régionales. Ce groupe de pays demande d’urgence un « audit indépendant accompagné par des observateurs internationaux spécialisés et reconnus, en vue d’élucider la controverse suscitée par les résultats du scrutin ».

« Aucune excuse au monde »

Caracas a vivement réagi. M. Maduro a rappelé l’ambassadeur vénézuélien au Canada. « Qu’est-ce que j’en ai à foutre que le stupide gouvernement du Canada ne reconnaisse pas nos élections ? », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse. A l’en croire, le scrutin a été un « message fort » envoyé par les Vénézuéliens « à l’impérialisme, à Trump, à ses alliés régionaux et à la droite locale ».

Le Venezuela était à l’ordre du jour des ministres des affaires étrangères de l’Union européenne réunis lundi au Luxembourg. L’éventualité de sanctions de l’UE est sur la table. « Il faut un retour à l’Etat de droit » au Venezuela, a affirmé le ministre français Jean-Yves Le Drian. Paris soutient l’idée d’une médiation internationale.

Le chef de la diplomatie vénézuélienne, Jorge Arreaza, a convoqué, mardi, les ambassadeurs accrédités à Caracas. « Il n’y a aucune excuse au monde pour contester les résultats d’aucune des élections organisées par le pouvoir électoral », a-t-il averti. A l’entendre, ceux qui contestent veulent « des morts et du sang au Venezuela ».

Elections au Venezuela : Paris évoque de « graves irrégularités »

La France a fait part, lundi 16 octobre, de sa « préoccupation » après l’annonce des résultats des élections régionales au Venezuela, remportées par le camp du président Nicolas Maduro, soulignant que « de graves irrégularités » avaient été dénoncées par l’opposition.

« Les conditions de l’organisation des élections sont contestées. De graves irrégularités sont dénoncées et l’absence de transparence dans le processus de vérification et de compilation affecte la confiance dans les résultats », a déclaré la porte-parole du ministère des affaires étrangères, Agnès Romatet-Espagne. Aucun observateur international n’avait été accepté par les autorités pour le vote de dimanche.

« La France déplore cette situation et se concerte avec ses partenaires de l’Union européenne afin d’examiner les mesures appropriées pour contribuer à une solution à la grave crise que traverse le pays », a-t-elle ajouté.

Le Conseil électoral du Venezuela a annoncé que le camp du président Nicolas Maduro avait largement remporté les élections régionales de dimanche, mais l’opposition a refusé de reconnaître ce résultat qu’elle estime entaché de fraude, et a réclamé un audit du scrutin.