« Bricks » : jeu de déconstruction
« Bricks » : jeu de déconstruction
Par Thomas Sotinel
Le documentaire de Quentin Ravelli tente de disséquer les mécanismes de la crise immobilière en Espagne et ses conséquences pour les plus vulnérables.
Les « bricks » du titre son en fait des « ladrillos », des briques espagnoles produites dans les usines d’une région argileuse de Castille. Quentin Ravelli, chercheur au CNRS, qui fait ici ses débuts de cinéaste, s’est servi de ce matériau de construction pour édifier un film traitant de l’éclatement de la bulle immobilière en Espagne après 2008. Méthodiquement, il assemble trois fils narratifs : la crise qui frappe l’industrie briquetière, les efforts du maire de la ville nouvelle de Valdeluz, près de Madrid, pour écarter la désertification qui menace sa cité et le travail d’une association qui lutte contre les expulsions, vu à travers le cas de Blanca une immigrée équatorienne qui ne peut payer le crédit à taux variable contracté pour acquérir son appartement.
Avec une maîtrise étonnante pour un néophyte, Quentin Ravelli tire le meilleur parti des contrastes esthétiques entre l’univers automatisé des briqueteries, les espaces inhabités de la ville nouvelle et le grouillement du quartier madrilène de Carabanchel où Blanca se bat pour échapper à la double peine : expulsion et remboursement des dettes.
Bricks se conforme aussi aux exigences du cinéma militant. On aura du mal à réfuter la démonstration de l’iniquité d’un système bancaire qui a systématiquement ciblé les plus vulnérables en leur faisant croire que la croissance serait éternelle avant de se retourner brutalement contre ces consommateurs. Mais cette démonstration a déjà été faite au cinéma (entre autres dans Cleveland contre Wall Street, de Jean-Stéphane Bron) et elle ne convaincra que les convertis. Bricks est riche de notations inédites – sur les spécificités de la situation espagnole, sur les comparaisons que l’on peut établir avec la France – mais celles-ci sont enserrées dans un discours qui les plie à ses propres fins, aussi respectables soient-elles.
Documentaire français de Quentin Ravelli (1 h 23). Sur le web : www.survivance.net, www.facebook.com/survivance