Emmanuel Macron a choisi de s’exprimer sur la politique de sécurité une semaine après l’adoption par l’Assemblée du projet de loi antiterroriste qui doit prendre le relais de l’état d’urgence à partir du 1er novembre. / POOL / REUTERS

Un discours « fondateur » sur la politique de sécurité. C’est ce qu’a annoncé Emmanuel Macron, pour mercredi 18 octobre à 15 heures, depuis l’Elysée et face aux représentants des forces de l’ordre : directeurs départementaux de la police, commandants de groupements de gendarmerie, préfets, principaux cadres du ministère de l’intérieur et les ministres de l’intérieur, de la justice et de la défense.

Le président, qui avait annulé un discours sur la sécurité qu’il devait prononcer à Lyon le 29 septembre, a choisi de s’exprimer une semaine après l’adoption par l’Assemblée du projet de loi antiterroriste, qui doit prendre le relais de l’état d’urgence à partir du 1er novembre. Outre la création d’une « task-force » – le nouvel instrument de pilotage du renseignement de l’Elysée –, le président est très attendu sur « la police de sécurité du quotidien » (PSQ), l’une de ses principales promesses de campagne dans le domaine de la sécurité.

  • Qu’est-ce que « la police de sécurité du quotidien » ?

Pour l’heure, ses contours restent très flous. Mi-juillet, le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, avait expliqué que l’idée consistait à déployer « sur un certain nombre de territoires qui nous semblent prioritaires du point de vue de l’insécurité » des policiers, préalablement libérés « d’un certain nombre de tâches indues » ou de lourdeurs procédurales :

« L’idée n’est pas de construire des commissariats mais (…) que l’on voie dans les rues des policiers qui ne viennent pas là de manière exceptionnelle. »

Un mois plus tard, le ministre avait annoncé au Figaro que cette mise en place commencerait « dès la fin de l’année », sans précision sur les effectifs prévus ni le budget alloué.

Sur TF1 dimanche soir, le chef de l’Etat a de son côté indiqué que « la lutte contre le harcèlement » serait également l’une des missions de la PSQ, qui pourra recourir à des procédures simplifiées de verbalisation, notamment dans les transports.

Une concertation doit être menée jusqu’à la fin de l’année par M. Collomb. Plusieurs villes se sont portées candidates à l’expérimentation mais seule une quinzaine de sites seront retenus, a précisé le directeur général de la police nationale, Eric Morvan début octobre.

  • S’agit-il d’un retour de la police de proximité ?

Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, la PSQ « n’est pas le retour pur et simple de la police de proximité », surnommée la « polprox », symbole de la politique sécuritaire de Lionel Jospin et supprimée en 2003 par Nicolas Sarkozy, a assuré le chef de l’Etat, début septembre. Ce dernier disait alors regretter la disparition de cette police, dont l’objectif était selon lui « de prévenir la délinquance grâce à une connaissance du terrain et des liens durables avec la population ».

En 2012, François Hollande avait promis son rétablissement lors de la campagne présidentielle – promesse restée lettre morte. A la place, il a instauré des « zones de sécurité prioritaire », qui concentrent plus de moyens et d’effectifs – mesure toujours en vigueur.

  • Quelle est l’histoire de la police de proximité ?

La police de proximité est restée le symbole de la division idéologique entre la gauche et la droite sur la sécurité, qui lui préfère une police d’intervention et d’interpellation. Lancée en octobre 1997, cette mission confiée à la police nationale avait pour objectif principal un maintien de l’ordre basé sur la prévention, notamment dans les quartiers difficiles, où elle est chargée d’apaiser les tensions avec la population.

Elle est progressivement mise en place en 1998 sous le gouvernement socialiste de Lionel Jospin, d’abord dans plusieurs grandes villes, avant de s’étendre au niveau national jusqu’en 2002. Un an plus tard, peu après l’arrivée de la droite au pouvoir, elle est brutalement enterrée par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin (ex-UMP). En visite dans le quartier sensible du Mirail à Toulouse, M. Sarkozy lance aux policiers : « Vous n’êtes pas des travailleurs sociaux. Organiser un match de rugby pour les jeunes du quartier, c’est bien mais ce n’est pas la mission première de la police. »

Entre-temps, l’efficacité de la « polprox » a été remise en cause. En 2001, un rapport confidentiel de l’Inspection générale de la police nationale, divulgué par Le Figaro, se montre critique envers la capacité de cette police à assurer sa mission. Mais, pour Patrice Bergougnoux, directeur général de la police nationale de 1998 à 2002, la durée de vie de la police de proximité n’aura pas été assez longue pour que l’on puisse juger de son efficacité : « La réforme a été cassée alors qu’elle prenait tout juste son envol. »

En 2008, Nicolas Sarkozy, devenu président, prend le contre-pied de ses déclarations cinq ans auparavant, en décidant de remettre en place un nouveau dispositif qui ressemble fort à la police de proximité : les unités territoriales de quartier, créées par Michèle Alliot-Marie, dont l’objectif premier est d’« entretenir le contact avec la population ».

Ces dernières sont remplacées en 2010 par les brigades spécialisées de terrain, sous l’impulsion de Brice Hortefeux, qui en fait des unités d’intervention dans des zones sensibles avec pour mot d’ordre la patrouille de terrain. « C’est l’ancienne police de proximité qu’on a fait évoluer, mais ce ne sont pas forcément des unités de contact, expliquait en août au Monde Philippe Capon, de l’UNSA-Police (troisième syndicat de gardiens de la paix). On est essentiellement dans de la répression. »

  • Qu’en pensent les syndicats ?

« La PSQ n’est pour l’instant qu’un concept. Si c’est pour faire des réformes esthétiques ou revenir à la police de proximité, alors on ne sera pas d’accord », a prévenu Jean-Claude Delage, secrétaire général du syndicat des gardiens de la paix Alliance, avant le discours d’Emmanuel Macron.

Pour Christophe Rouget, du syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI), « il faut maintenant simplifier l’organisation de la police et simplifier la procédure pénale. Sinon nous n’améliorerons pas la présence sur le terrain. »