Romuald Wadagni, 41 ans, est ministre des finances du Bénin. Il était à Paris en même tant que le chef de l’Etat, Patrice Talon, pour une rencontre avec la diaspora béninoise, le 7 octobre, dans le cadre d’une tournée de vulgarisation du programme d’action du gouvernement. Evalué à 9 000 milliards de francs CFA (14 milliards d’euros) sur cinq ans, le plan ambitionne de changer le quotidien des populations.

Le ministre, qui a conservé son poste de directeur de la qualité pour l’ensemble des filiales du groupe Deloitte en Afrique francophone, dresse un bilan économique positif conforté par un rapport favorable du Fonds monétaire international (FMI) fin septembre. Une reprise en main des affaires du pays.

Vous avez trouvé le pays dans un état catastrophique en avril 2016. Le Bénin se porte-t-il mieux aujourd’hui, dix-huit mois après l’installation du gouvernement ?

Le FMI est passé à Cotonou dans le cadre de sa revue statutaire entre le 13 et le 27 septembre. Et les commentaires sont clairs. Le Bénin va beaucoup mieux qu’il y a dix-huit mois. Tous les indicateurs prévus sont au vert. Et nous avons obtenu 150 millions de dollars [127 millions d’euros] de la part de l’institution pour financer nos projets.

A quoi vous êtes-vous attelé pendant les premiers mois de gouvernance ?

Le programme d’action du gouvernement doit être financé à 61 % par le privé. Il était donc indispensable de mettre en chantier assez rapidement toute une série de réformes qui puisse fluidifier les relations avec les entreprises. Nous avons créé un cadre pour le partenariat public-privé et le Code du travail a été assoupli pour favoriser la création d’emplois.

Mais plus concrètement…

Le gouvernement a lancé des travaux pour l’extension et la réfection de près de 500 km de route sur les 1 362 km prévus. Aujourd’hui, il n’y a plus de crise énergétique dans les grandes villes. En 2016, lors de notre prise de fonction, la capacité propre du Bénin était de 0 mégawatt (MW). Elle est aujourd’hui de 240 MW grâce à des solutions d’urgence qui ont permis de mettre fin aux délestages intempestifs.

Pourtant, les populations ne ressentent pas cette bonne santé de l’économie que vous décrivez…

Pendant dix ans, nous avons laissé passer un système où il y avait de l’argent facile, des mécanismes de déperdition des deniers publics. Maintenant, nous sommes dans une logique de resserrer les boulons. Bien entendu, la perception est qu’il y a moins d’argent qui circule et que les temps sont un peu plus durs. Mais cette perception durera un moment, le temps que les gens comprennent que c’est à force de travail qu’on gagne de l’argent.

Comment avez-vous réduit les poches de corruption, et combien cela a permis d’économiser à l’Etat ?

On estime à plus de 100 milliards de francs CFA l’économie réalisée. Une des solutions a été d’augmenter la bancarisation. Désormais, les salaires, les bourses universitaires mais aussi les prestataires sont payés par virement bancaire. Avant notre arrivée, trop de choses étaient payées à vue, avec des irrégularités. Un exemple : après contrôle, nous sommes passés comme par enchantement de 29 000 boursiers universitaires à 26 000, avec une économie de 2 milliards de francs CFA. Cela s’ajoute aux mesures d’économies que nous avons lancées : l’arrêt des subventions de l’Etat à la filière coton, la rationalisation des coûts de voyage, ou encore la gestion en leasing du parc automobile de l’Etat.

En juin, le Bénin a été secoué par des mouvements syndicaux pour dénoncer les réformes libérales du président Patrice Talon. Le gouvernement ne semble pas être attentif au volet social…

C’est notre gouvernement qui a fait le plus de social ces dix dernières années. C’est factuel. Le niveau recommandé par le FMI pour les dépenses prioritaires qui vont à l’énergie, à l’éducation ou à la santé est de 160 milliards de francs CFA. Nous l’avons dépassé : 180 milliards ont été injectés. C’est plus que ce qui avait été fait annuellement jusque-là. C’est vrai, le pays est dirigé par un homme d’affaires. Et moi aussi, je viens du privé. Donc on nous taxe de libéraux qui veulent tout privatiser. Mais nous avons maintenu la gratuité de la césarienne, la gratuité de l’école qui étaient déjà mises en place. Avec l’engagement d’en faire un peu plus.

Vous étiez à Paris avec le chef de l’Etat pour défendre auprès de la diaspora le programme du gouvernement. Où en êtes-vous de son exécution ?

Nous avons fait un budget 2017 très ambitieux à 2 000 milliards de francs CFA. Tout le monde disait que c’était trop important, qu’il fallait faire un correctif budgétaire pour revenir à 1 200- 1 300 milliards maximum. Nous sommes à 1 800 milliards exécutés et projetés au 31 décembre 2017. L’exécution moyenne du budget sur les douze dernières années se situait à 750 milliards. C’est donc deux fois plus que ce qui avait été fait.

Le Bénin a été très impacté par la crise économique qui a secoué le Nigeria voisin après la baisse des recettes du pétrole. Vous avez beaucoup critiqué cette porosité économique…

Quand nous avons pris le pouvoir, le Nigeria était frappé par une crise économique sans précédent : récession, dévaluation du naira et chute drastique du commerce de réexportation. Pourtant, nous avons atteint nos objectifs en matière de recettes. On ne peut pas empêcher la réexportation vers le Nigeria. Mais nous devons diversifier notre économie et la moderniser.

L’un des plus importants acteurs du commerce de réexportation au Bénin est Sébastien Ajavon, ancien candidat à la présidentielle de 2016. En août, après un contrôle qui porte sur trois années d’exercice, ses entreprises ont été redressées de 167 milliards de francs CFA, un chiffre colossal…

Vous savez combien le groupe de Sébastien Ajavon fait par an ? La proportion relève du domaine du possible. Il s’agit d’un sujet sensible. Je ne me prononcerai pas puisque c’est un dossier en cours d’instruction. Il y a eu un contrôle. L’entreprise a fait un recours. Cela peut aller au niveau du contentieux. Laissons les procédures faire leur chemin. Et pour ne rien vous cacher, je ne m’en mêle même pas.