Documentaire sur France 5 à 20 h 55

Embuscade, attentat, dérapage, bavure… La violence subie par les policiers au quotidien ou celle, en eux, qu’ils ne parviennent pas à maîtriser, est au cœur de l’excellent documentaire de Claire Tesson. Sa longue fréquentation des forces de l’ordre, lors d’enquêtes qu’elle a menées notamment sur les ­attaques de Charlie Hebdo, du Bataclan et la ­traque de Salah Abdeslam pour « Cellule de crise » (France 2), lui a permis de recueillir les témoignages de cinq policiers de terrain.

Sans l’accord de leur hiérarchie

Une parole rare sur un sujet délicat, sinon tabou. Pour preuve, trois d’entre eux témoignent visage masqué ou de dos ; et tous, sous couvert d’anonymat, empruntant leur pseudo au vocabulaire militaire. Ce choix tient autant au fait qu’ils s’expriment sans l’accord de leur hiérarchie qu’au sentiment d’être désormais la cible de délinquants, terroristes ou casseurs.

Un an après le mouvement inédit qui a vu des centaines de policiers manifester à la suite de l’attaque d’une voiture de police aux cocktails Molotov à Viry-Châtillon ­ (Essonne), à écouter « Oscar », « Romeo », « Sierra », « Lima » et « Alpha », la peur, la colère, le doute, la désillusion, l’amertume ne semblent pas être retombés. Au ­contraire. « Quand je suis entré dans la police, je voulais sauver le monde. Au final, je me rends compte que je suis un simple éboueur qui ramasse les déchets dans la rue », lâche « Romeo ».

Image d’animation extraite de « Police sur le fil » / France 5

Leurs idéaux cabossés par le terrain – à l’exception du CRS, tous officient en banlieue parisienne dans des zones difficiles –, ils évoquent pour étayer leur ras-le-bol le laxisme des juges, la faiblesse des moyens, le manque de formation et d’encadrement des plus jeunes, la politique du chiffre qui fait « prendre des libertés avec les procédures », ou encore l’épuisement…

Le tout dans un contexte de violence inhabituelle qui les conduit à travailler sur le fil. Au ­risque, et c’est leur hantise, de ­déraper. Ce dont aucun ne se cache ici, qu’ils aient ou non franchi la ­ligne.

Outre la diversité des profils et expériences mais aussi les qualités esthétiques (sobriété de la mise en scène, extraits d’archives d’actualité, usage d’animation), la force du film réside dans une ­parole délivrée sans fard, sans ­filtre. Une parole âpre, irritante parfois, émouvante souvent, qui éclaire sur l’état – limite – de la ­police.

La Police sur le fil, de Claire Tesson (Fr., 2017, 70 min).