Comment ne pas reproduire le scénario catastrophique de la session 2017 d’Admission post bac (APB) qui a vu exploser l’utilisation du tirage au sort à l’entrée des filières universitaires en tension ? C’est entre autres à cette question difficile que les principaux acteurs de l’enseignement supérieur (présidents d’université, syndicats étudiants et enseignants, etc.) ont essayé de répondre lors de la concertation sur l’accès à l’enseignement supérieur lancée cet été par la ministre Frédérique Vidal. Ils lui ont remis ce jeudi 19 octobre le rapport et les propositions issues de cette consultation. Commencent maintenant les rencontres bilatérales avec les uns et les autres, la ministre ayant prévu de trancher d’ici le retour des vacances de la Toussaint.

« Les thèmes abordés sont sensibles. Les diagnostics ne sont pas toujours partagés. Les options pour réformer l’actuel système peuvent diverger », note dans le document Daniel Filâtre, rapporteur de cette concertation et recteur de l’académie de Versailles. C’est ce qui explique sans doute que les propositions faites par les 11 groupes de travail restent souvent assez larges et ne règlent pas les désaccords ayant émergé lors de la consultation. En voici les principales propositions.

Un nouveau modèle d’affectation dans le supérieur

C’est le sujet qui sur lequel « se sont focalisées » les discussions, note le rapport. Le cadre des débats concernant le nouveau modèle d’affectation souhaité avait été fixé au préalable : « Dépasser le statu quo d’un modèle d’accès qui semble à bout de souffle et assurer à tout bachelier qui le souhaite l’accès à l’enseignement supérieur pris dans toute sa diversité. »

  • Prendre en compte le profil de l’élève avant son entrée dans l’enseignement supérieur

Si lors de la consultation, « un assez large consensus s’est construit sur la nécessaire
prise en compte du profil de l’élève pour construire son parcours de réussite dans
l’enseignement supérieur »,
des divergences sont apparues au sujet des « prérequis » demandés à l’élève pour accéder à telle ou telle formation universitaire. Le rapport ne rentre d’ailleurs pas dans le détail de ce que pourraient être ces prérequis (note, type de baccalauréat, etc.). Les divergences ont aussi porté sur le fait de savoir dans quelle mesure le candidat pourrait avoir, ou non, le choix dans son orientation. Le rapport définit quatre « options » possibles ayant émergé lors de la consultation : un « accès libre sans avis ni recommandation », un « accès libre mais avec avis et recommandation », un « accès sous condition » (c’est sans doute dans ce cadre que des « prérequis » pourraient intervenir), et un « accès sélectif ».

  • Généraliser l’avis du conseil de classe de terminale

Dans le cadre de la future procédure d’affectation, une majorité des parties prenantes souhaite généraliser l’avis du conseil de classe pour toute orientation vers l’enseignement supérieur. Mais des divergences existent pour savoir si cette orientation active doit être seulement « un positionnement du conseil de classe aboutissant à une information à l’intention du jeune lycéen » ou « un avis officiel transmis à l’établissement d’enseignement supérieur auprès duquel le jeune lycéen a déposé une candidature ».

  • Construire un modèle d’affectation dans l’enseignement supérieur plus clair et attentif aux situations individuelles

Le rapport préconise de revoir le calendrier actuel d’annonce des résultats d’affectation d’APB (les premiers résultats tombent au début du mois de juin) : « Peu acceptable, il est l’occasion de stress pour les lycéens à la veille des épreuves du baccalauréat ». Il convient donc de revoir ce calendrier « en prenant en compte les différents temps de l’élève de terminale et ses préoccupations ».

Le rapport propose aussi d’amplifier le périmètre des formations accessibles sur le portail Admission post bac. L’outil intègre aujourd’hui 85 % de l’offre de formation supérieure.

Transformation de l’offre de formation

Dans l’objectif de « faire de chaque filière du premier cycle de l’enseignement supérieur une voie de réussite » dans un cadre de hausse importante du nombre d’étudiants, la question des moyens est récurrente dans le rapport : « Il appartient aux pouvoirs publics de mesurer ces attentes dans le cadre d’un programme ambitieux. » Mais la proposition principale de cette transformation de l’offre de formation réside dans une plus importante « modularisation des cursus ».

  • Réorganiser le cursus de licence

Le principe d’une souplesse accrue du déroulé de la licence universitaire « est largement partagé », afin d’individualiser les parcours de formation et les adapter aux spécificités ou au profil des étudiants, en permettant, entre autres, de mettre plus de temps pour obtenir une licence. « Il se dessine donc un programme de formation supérieure en premier cycle dont l’organisation doit être lisible et faciliter des parcours plus conformes aux attentes des étudiants, à leurs projets de vie, aux allers et retours emploi-formation », selon le rapport.

  • Mettre l’étudiant au cœur de la transformation pédagogique

Le rapport met en avant la nécessaire individualisation du parcours de formation des étudiants pouvant découler de cette licence plus souple. Cette individualisation « qui doit s’opérer en fonction du niveau initial de l’étudiant, de ses progressions et de son projet professionnel » pourrait s’inscrire « dans un contrat pédagogique établi entre l’étudiant et l’équipe pédagogique, intégrant de manière réflexive et partagée les adaptations du parcours ».

Mieux préparer l’accès à l’enseignement supérieur

Partant des postulats que l’impréparation des jeunes lycéens à leur projet de poursuite d’étude ou d’insertion professionnelle « est manifeste » et qu’il existe « de nombreux facteurs d’inégalité à l’œuvre au moment où s’opèrent les choix vers les filières de formation », les participants à la concertation font plusieurs propositions quant à l’orientation des jeunes.

  • Repenser intégralement le parcours « Avenir »

Proposé actuellement de la sixième à la terminale il a pour objectif de permettre à l’élève de comprendre le monde économique et professionnel ainsi que la diversité des métiers et des formations et d’élaborer son projet d’orientation scolaire et professionnelle. Le rapport préconise de le transformer pour mieux aider les élèves à « se préparer à l’accès à une formation supérieure et/ou à l’insertion professionnelle ».

  • Assurer à chaque lycéen un accompagnement personnalisé et responsable

Il y a « urgence », estime le rapport, à former les enseignants à accompagner l’orientation des élèves. Mais il faut aussi accentuer la coopération entre les lycées et les établissements d’enseignement supérieur, ainsi que les réunions d’information au bénéfice des parents.

Conditions de vie étudiante

Parce qu’« améliorer la réussite en premier cycle d’études supérieures suppose de considérer avec attention les conditions de vie des étudiants », le rapport fait plusieurs propositions en la matière.

  • Une allocation unique d’aide aux étudiants

Le rapport note que « la mise en œuvre de cette réforme n’est pas aisée, techniquement, budgétairement et réglementairement, puisqu’il faudrait rapprocher les aides au logement (APL) et les bourses sur critères sociaux (BCS) ». Dans ce cadre, les participants à la discussion demandent qu’une mission interministérielle soit portée par le ministère de l’enseignement supérieur afin d’approfondir rapidement cette proposition.

  • Faire de l’emploi étudiant un facteur de réussite

Afin d’éviter que les étudiants aient, en parallèle de leur formation, un emploi « en totale déconnexion avec leurs études et parfois en contradiction avec leurs chances de réussite », le rapport remis ce jour propose de promouvoir les emplois étudiants sur les campus « par
l’assouplissement des modalités de gestion, par des relations plus étroites avec les employeurs privés et publics du site, par le recours au service civique… ».

  • Répondre aux enjeux du logement étudiant

Le groupe de travail ayant travaillé sur ce sujet propose la création d’un « observatoire national du logement étudiant » et l’adoption d’une charte pour favoriser la mutualisation des informations relatives au logement étudiant.

  • Améliorer l’accès aux activités culturelles et sportives

Les activités culturelles et sportives « contribuent à la réussite des étudiants en raison
de leurs fonctions éducative, intégratrice, socialisatrice et de santé, mais aussi en
raison de leur capacité à créer des dynamiques collectives »
estiment les participants à la consultation.