La Première ministre britannique Theresa May en route pour la chambre des Communes  le 18 octobre. / NIKLAS HALLE'N / AFP

A quelques heures de l’ouverture du Conseil européen qui devrait, jeudi 19 et vendredi 20 octobre, constater l’impasse des négociations sur le Brexit, Theresa May tente une manœuvre de dernière minute. Alors que les Vingt-Sept exigent d’elle de plus amples concessions financières sur la « facture » du Brexit avant d’accepter d’engager des discussions sur les futures relations commerciales, la Première ministre britannique tente de leur faire porter la responsabilité de l’impasse des négociations.

Dans une lettre ouverte adressée, jeudi 19 octobre, aux trois millions de ressortissants européens installés au Royaume-Uni, Theresa May suggère qu’un accord est proche sur leur statut post-Brexit, mais que Bruxelles le retient pour faire pression sur son pays et obtenir des concessions budgétaires.

« Monnaie d’échange »

Un accord préservant vos droits est « à portée de la main », écrit-elle dans un message diffusé sur sa page Facebook et envoyé aux 100 000 Européens vivant du Royaume-Uni abonnés à la lettre d’information de Downing Street sur le sujet. Mme May, accusée de se servir des expatriés comme d’une « monnaie d’échange » pour obtenir un accord commercial, s’en défend, assure que « les droits des citoyens sont [s] a première priorité », et retourne implicitement le compliment. Mardi 17 octobre à la Chambre des Communes, son ministre du Brexit, David Davies, avait été plus clair encore : les Vingt-Sept « jouent la montre pour voir s’ils peuvent nous soutirer davantage d’argent », avait-il déclaré.

Dans sa lettre, Mme May assure qu’elle entend « faire passer les gens en premier », autrement dit, avant les intérêts politiques ou financiers. Alors que les 3 millions d’expatriés s’inquiètent de leur futur droit au séjour et de la lourdeur des procédures actuelles pour obtenir le statut de résident, la Première ministre promet de « simplifier » leurs démarches et de les associer au contrôle de la transparence du nouveau système. Elle n’aborde cependant pas la question la plus controversée avec l’UE : celle du rôle de la Cour de justice de l’Union européenne – dont Londres veut se dégager – dans le règlement des litiges sur le droit au séjour et au travail.

Menace de rébellion

Pour Diane Abbott, ministre de l’intérieur du cabinet fantôme travailliste (opposition), la missive de Mme May est « un signe de panique des Tories ». Défendant le maintien des droits existant, Mme Abbott estime que des « demi-mesures » aboutiraient au départ d’expatriés, aussi bien Britanniques installés sur le continent que des continentaux vivant au Royaume-Uni. « Nous serions alors plus mal lotis », a-t-elle déclaré.

La tentative de Mme May de reprendre la main sur le dossier des expatriés intervient alors qu’elle affronte une nouvelle rébellion sur le Brexit au sein de son parti. Certains députés conservateurs menacent de s’allier avec des travaillistes pour défendre un amendement exigeant un vote du Parlement sur l’accord final avec l’UE, autrement dit un droit de veto contre un Brexit dur défendu par l’aile droite des Tories. Pour tenter de désamorcer ce mouvement qui menace sa fragile majorité, la Première ministre a dû reporter la discussion sur la « loi de sortie de l’UE », pièce maîtresse du Brexit, qui rompt avec l’UE mais transpose sa législation dans le droit interne britannique.