« Si la souveraineté monétaire n’est pas rendue à la France, il n’y aura pas d’autre choix que de terminer ce processus par le recouvrement d’une monnaie nationale », a déclaré Marine Le Pen. / PHILIPPE LOPEZ / AFP

Invitée de « L’Emission politique », sur France 2, jeudi 19 octobre, la présidente du Front national a livré une prestation marquée par ses tergiversations sur la question de l’euro. Coincée entre sa volonté de ne pas se dédire sur sa proposition emblématique d’une sortie de la France de la monnaie unique et son objectif d’« entendre ce qu’on dit les Français » lors de la présidentielle en rejetant sa candidature, Marine Le Pen a évacué cette question d’un simple « nous allons voir ». « Nous allons voir si M. Macron va réussir à obtenir que la BCE ne soit plus indépendante, qu’elle réponde aux injonctions des Etats et que la masse monétaire de la BCE n’aille plus aux banques mais aux Etats. Si tout ceci se déroule ça serait merveilleux, a-t-elle estimé en réponse à la question de savoir si elle propose toujours une sortie de l’euro à terme. J’ai une vision pragmatique, je n’ai pas une vision idéologique de la monnaie. »

Le parti d’extrême droite a fait évoluer son discours depuis la campagne présidentielle, durant laquelle Marine Le Pen prônait une sortie de l’euro à un horizon de quelques mois. En juillet, les dirigeants frontistes, réunis en bureau politique, ont arrêté une nouvelle position officielle consistant à réclamer un retour progressif des « souverainetés » à la France tout au long d’un potentiel quinquennat en finissant par la « souveraineté monétaire ».

Mise en cause de l’Allemagne

Jeudi, Marine Le Pen a dit avoir « entendu la crainte des Français » à propos d’une fin brutale de la monnaie européenne. En mars dernier, elle jugeait qu’« à peu près 70 % » de son programme ne pourrait être mis en œuvre dans le cadre de l’UE sous sa forme actuelle et de la monnaie unique.

Lors d’un séminaire organisé en juillet, le FN a établi un ordre des priorités dans le recouvrement des « souverainetés » françaises vis-à-vis de l’Union européenne. La « souveraineté monétaire », qui était auparavant prévue six mois après une éventuelle accession frontiste au pouvoir, est désormais rétrogradée en queue de peloton, loin derrière la maîtrise des frontières nationales. « Plutôt qu’une sortie brutale [de l’euro] il faut retrouver nos souverainetés les unes après les autres. Retrouver nos frontières d’abord. La souveraineté monétaire clôturera en quelque sorte le processus », a expliqué Mme Le Pen sur France 2. Si la présidente du FN jure que sa ligne ne varie pas, le changement de paradigme est néanmoins réel. Plutôt qu’un discours anti-européen, elle cherche à imposer désormais un discours altereuropéen. Un détail qui se retrouve jusque dans la sémantique : la députée du Pas-de-Calais souhaite maintenant l’émergence d’une « union des nations européennes », là où elle parlait jusqu’à présent d’une « Europe des nations ».

Pas d’alliance avec la droite traditionnelle

Après avoir esquissé la question des alliances que le FN pourrait nouer dans les années à venir, la présidente du parti d’extrême droite est restée sur la ligne qu’elle porte depuis son accession à la tête du parti, en 2011 : pas de compromission vis-à-vis de la droite traditionnelle, par trop « européiste ». Y compris avec un Laurent Wauquiez à la tête des Républicains. « M. Wauquiez a à nous prouver que dans sa défense de la nation il est sincère. Je le crois dans un processus postnational », a affirmé celle qui ne croit pas à l’hypothèse d’une union des droites.

Enfin, la fille de Jean-Marie Le Pen, très attendue pour ce premier grand rendez-vous télévisé depuis son débat raté d’entre-deux-tours de la présidentielle, le 3 mai, contre Emmanuel Macron, est revenue une fois de plus sur cet épisode. « J’ai raté un rendez vous important, ça a suscité de la déception, a-t-elle reconnu sans peine. Les Français attendaient que je présente mon projet. » En somme, qu’elle adopte une posture de femme prête à gouverner. Ce qui, là encore, n’est pas acquis, a-t-elle reconnu. Il faut « terminer notre transformation de parti d’opposition en parti de gouvernement. Dans les esprits ce n’est pas totalement fait », a estimé Mme Le Pen au début de l’émission.