Film sur TMC Cinéma à 22 h 40

Le village des damnés (VF) - Bande Annonce
Durée : 02:01

Le Village des damnés est d’abord un petit film anglais réalisé en 1960 par Wolf Rilla, avec George Sanders et Barbara Shelley. Devenu un classique du cinéma de science-fiction, cité comme œuvre de référence par les amateurs du genre, il devait moins sa notoriété à la personnalité de son auteur qu’à la qualité de son interprétation et à l’originalité du scénario inspiré d’un roman de John Wyndham, Les Coucous de Midwich.

Les habitants d’un village anglais plongent dans un sommeil profond durant plusieurs heures. Neuf mois plus tard, les femmes de la petite localité accouchent d’enfants qui se révèlent, en grandissant, étrangement semblables, dotés de pouvoirs télépathiques et dénués de toute émotion. On découvre alors qu’il s’agit d’une tentative d’invasion extraterrestre et que le seul moyen de l’enrayer est de détruire les enfants.

Comme beaucoup d’œuvres de référence du cinéma fantastique, le film de Wolf Rilla n’a pas échappé au destin du remake à Hollywood. Au contraire d’autres essais similaires, le film de Carpenter ne repose pas sur l’adjonction à une intrigue connue d’avance ­d’effets spéciaux ­spectaculaires, mais il tente de relire avec ­intelligence les conventions du genre, identifiées comme telles. Aujourd’hui, parce que le public a perdu son innocence, tout remake est perçu comme un discours sur un film initial, un nouveau ­commentaire sur un souvenir collectif, un jeu sur des clichés dont il faut confirmer ce statut de cliché.

« Le village des Damnés » / UIP

Reprenant la trame du premier film en se contentant de la transposer aux Etats-Unis, Carpenter, comme à son habitude, organise brillamment le temps et l’espace pour retrouver la crédulité du spectateur. A partir du postulat du scénario, il multiplie les notations qui vont ancrer le film dans le ­concret, accentuant la peur gé­nérée par les situations. Ainsi, l’horreur (l’homme brûlé par le barbecue sur lequel il s’était endormi), la trivialité (les familles convaincues par les promesses d’allocations de ne pas faire avorter les femmes enceintes) et le ­réalisme (le chaos des accouchements) rendent crédible, aujour­d’hui, un tel récit et augmentent le malaise et la frayeur. Alternant précision des détails et brutalité des ellipses dans une narration qui n’oublie pas que l’histoire est déjà connue, Carpenter trouve la distance idéale et évite le regard hautain et abstrait qui avait causé l’échec de sa précédente production, L’Antre de la folie (1994).

Une nouvelle dimension

A l’inverse du film de Wolf Rilla, la version de Carpenter ne fonctionne pas sur l’ambiguïté inquiétante d’une apparente innocence (attribuée à l’enfance par le lieu commun) qui dissimulerait le mal. Les enfants sont ici, dès l’abord, représentés comme un monstre collectif, une hydre à têtes blondes, marchant au pas et vouée à la ­destruction de l’humanité.

Ce parti pris, loin d’enlever sa complexité au film, lui invente une nouvelle dimension. L’absen­ce d’émotion qui caractérise les enfants favorise une analogie avec le cinéma de l’auteur d’Assaut, dénué de tout pathétique, dégraissé de tout affect. Les films de Carpenter s’avèrent la version la plus efficacement contemporaine d’une horreur cinématographique adaptée à un temps qui ne croit plus au pathos classique.

Le Village des damnés, de John Carpenter. Avec Christopher Reeve, Kirstie Alley (EU, 1995, 98 min)