Nasser Al-Khelaïfi, le président du PSG, lors du match de C1 contre Anderlecht à Bruxelles, le 18 octobre. STEPHANE MANTEY / PRESSE SPORTS / MANTEY STEPHANE / PRESSE SPORTS

Même s’il ne laisse rien transparaître en public, Nasser Al-Khelaïfi traverse actuellement une zone de turbulences. Sur le plan sportif, le président qatari du Paris-Saint-Germain, 43 ans, peut se réjouir des bons résultats de son équipe, première de sa poule en Ligue des champions après son large succès (4-0) contre les Belges d’Anderlecht, et leader de la Ligue 1 avant son déplacement à Marseille, dimanche 22 octobre. Attendu dans les tribunes du Stade Vélodrome, le dirigeant n’aura pourtant guère la tête à ce clasico, en apparence très déséquilibré.

Depuis le 12 octobre, et l’annonce de l’ouverture d’une procédure pénale à son encontre par le ministère public de la Confédération helvétique (MPC) pour des faits présumés de « corruption privée active », le patron du PSG a chamboulé son agenda – déjà bien rempli – pour se consacrer au terrain judiciaire. Homme de confiance de l’émir du Qatar, Tamim Al-Thani, le quadragénaire est soupçonné, en tant que directeur du groupe BeIN Media, d’avoir offert « des avantages indus en lien avec l’octroi de droits médias dans certains pays en ce qui concerne les Coupes du monde de 2026 et 2030 » au Français Jérôme Valcke, ex-secrétaire général de la Fédération internationale de football (FIFA), suspendu dix ans et lui aussi visé par une enquête du parquet suisse.

Villa en Sardaigne

A sa demande, Nasser Al-Khelaïfi sera entendu au siège du MPC, à Berne, mercredi 25 octobre, « afin d’apporter un éclaircissement », selon son entourage. Avant son audition, le président du PSG va préparer sa défense avec son avocat, Me Francis Szpiner, lui-même assisté de ses confrères helvétiques Marc Bonnant et Grégoire Mangeat. « Nasser n’a jamais été auditionné par la justice, il n’a jamais vécu ça. C’est un monde qu’il ne connaît pas. Il va donc devoir se préparer », glisse un proche.

Le président du PSG entend démontrer que le contrat entre BeIN Media et la FIFA, scellé sans appel d’offres, en 2013, pour un montant avoisinant les 500 millions d’euros, n’a rien de douteux. Validé par la direction juridique et le département financier de la FIFA, l’accord en question porte sur l’attribution des droits médias des Mondiaux 2026 et 2030 dont l’organisation n’a pas encore été attribuée – pour vingt-quatre pays du Moyen-Orient, dont le Qatar, et d’Afrique du Nord.

« Nasser est un homme averti qui ne fait jamais de choses déshonorables »

Au Monde, Jérôme Valcke assure n’avoir « aucun souvenir ni de la date de signature ni du montant », et n’avoir pas négocié « directement » le contrat. Devant le MPC, Nasser Al-Khelaïfi s’expliquera aussi sur la fameuse villa en Sardaigne mise à disposition de l’ex-numéro deux de la FIFA, qui serait le « moyen de corruption » utilisé auprès celui-ci, selon la police italienne.

Sitôt annoncée l’ouverture de la procédure pénale, le président du PSG, très apprécié par ses pairs, a reçu de nombreux SMS des dirigeants du football français. « Le soutien est total. Nasser est un homme averti qui ne fait jamais de choses déshonorables, souffle l’un de ses homologues de Ligue 1. Depuis cinq ans que nous travaillons avec lui, nous n’avons jamais vu ou entendu le début d’une histoire pas claire. Il n’est pas homme à fonctionner de façon illégale. Vous verrez que cette affaire accouchera d’une souris. » A la Ligue de football professionnel, on se garde toutefois bien de « commenter les enquêtes en cours ».

Un œil sur le fair-play financier

La procédure lancée par le MPC a eu par ailleurs comme effet d’amener le comité d’éthique de la FIFA à se pencher sur l’affaire. Contrairement à ses habitudes, la Fédération internationale a ainsi officialisé l’ouverture d’une enquête préliminaire de son tribunal interne. Ira-t-il jusqu’à ouvrir une procédure « formelle » et à suspendre in fine Nasser Al-Khelaïfi ? Au siège de la FIFA, à Zurich, on prône la prudence tout en assurant que la démarche ne préjuge en rien de la suite qui sera donnée par le comité d’éthique, réputé pour avoir banni l’ex-président de la Fédération internationale, Sepp Blatter, le patron de l’Union européenne de football (UEFA), Michel Platini, et Jérôme Valcke.

En marge de la procédure du MPC, M. Al-Khelaïfi garde aussi un œil sur l’enquête ouverte contre le PSG par l’Instance de contrôle financier des clubs (ICFC) dans le cadre du fair-play financier, ce mécanisme initié en 2011 par l’UEFA et en vertu duquel les clubs européens ne peuvent dépenser plus qu’ils ne gagnent, sous peine de sanction. Déjà pénalisée en 2014, la formation de la capitale a été placée sous surveillance après le transfert record (222 millions d’euros) du Barcelonais Neymar et le prêt du Monégasque Kylian Mbappé (145 millions d’euros + 35 millions d’euros de bonus).

Le 5 octobre, le numéro deux parisien, Jean-Claude Blanc, et le secrétaire général, Victoriano Melero, ont été entendus à Nyon (Suisse), au siège de l’UEFA. D’autres auditions devraient suivre. « Le PSG coopère pleinement et l’audition, de bon niveau, a permis d’éclaircir des éléments qui posaient question. La stratégie du PSG a été posée noir sur blanc », explique une source proche de l’enquête de l’ICFC, dont les conclusions devraient être rendues au printemps 2018.

« Il y a des vérifications à faire sur la budgétisation, la gestion spécifique des salaires, RH, soldes, opérations de transferts, poursuit cette même source. Le PSG a tablé sur des recettes maximales, un paquet financier important lié aux départslors des prochains mercatos d’hiver et d’été. On va voir si le club va faire ce qu’il a budgétisé pour vendre des joueurs et avoir un solde positif. La façon dont le PSG va gérer le mercato hivernal sera déjà un élément déterminant. » Pour Nasser Al-Khelaïfi, engagé sur tous les fronts, les prochains mois seront cruciaux.