Documentaire sur Arte à 22 h 55

78/52
Durée : 02:33

La scène de douche de ­Psychose, tournée en 1959, appartient à l’histoire du 7e art. En 78 plans, 52 coupes et ­seulement 45 secondes, Alfred ­Hitchcock a non seulement réussi à flanquer une de leurs plus belles frousses à une palanquée de ­spectateurs, mais surtout, en jouant à cache-cache avec la ­censure, il a révolutionné la façon de filmer et de monter une action.

Corneille écrivait : « Le désir ­s’accroît quand l’effet se recule. » Lui fait le contraire. D’une femme nue, vulnérable, sous sa douche, on ne voit rien, car elle est filmée en gros plan. Au plus près. Même chose pour le couteau qui va la tuer, ainsi que pour ce meurtre inouï, ­soudain, brutal, dans la blancheur clinique d’une salle de bains, que l’on croit apercevoir, mais qui est juste suggéré. La stridence des violons et des violoncelles de la musique composée par Bernard Herrmann ­accroît le malaise.

Alfred ­Hitchcock et Janet Leigh

Plus matois, ­­­­­A Hitchcock expliquera à François Truffaut : « Dans Psychose, le sujet, les personnages m’importent peu, ce qui m’importe, c’est que l’assemblage des ­morceaux du film, la photographie, la bande sonore et tout ce qui est purement technique puissent faire hurler le public. »

Son équipe et le réalisateur ­mirent sept jours à tourner cette scène, qui coûta 62 000 dollars, somme impressionnante pour l’époque, dans un décor de 15 m2. Prouesse technique, certes, mais surtout incroyable précision d’une mise en scène où chaque coupure de plan correspond à un coup de couteau…

Une leçon de cinéma

Est-il vraiment important de ­savoir que le sang s’écoulant dans la bonde de la ­baignoire est du chocolat fondu ? La terreur qui se lit sur le visage de Marion Crane, ­interprétée par la légendaire Janet Leigh, se suffit à elle-même.

Dans 78/52 : les derniers secrets de ­Psychose, des metteurs en scène, des scénaristes, des monteurs et des critiques racontent comment cette scène a bouleversé leur façon d’envisager le cinéma. Pour eux, en sortant de sa zone de confort, en bousculant les codes en ­vigueur, en jouant entre figuration du désir et tension sexuelle, Hitchcock pointe du doigt le caractère aléatoire de la vie, puisque l’on n’est nulle part à l’abri, même dans une salle de bains.

Film sur l’impuissance, le regard, le voyeurisme et l’image en miroir, ­Psychose est surtout une sacrée ­leçon de cinéma.

78/52 : les derniers secrets de Psychose, d’Alexandre O. Philippe (EU, 2017, 85 min).