La ministre de la santé Agnès Buzyn, à l’Elysée, le 17 octobre. / LUDOVIC MARIN / AFP

C’est l’épilogue du long conflit qui a opposé les médecins libéraux au gouvernement pendant une partie du quinquennat de François Hollande. Invoquant des obstacles « techniques », la ministre de la santé, Agnès Buzyn, a annoncé, dimanche 22 octobre, dans un entretien au Journal du dimanche, que le tiers payant obligatoire ne serait pas généralisé à partir du 30 novembre, comme le prévoit la loi santé votée en décembre 2015.

« Il n’est pas faisable, donc ça ne sert à rien de parler d’une obligation », a-t-elle répété au « Grand Jury »-RTL-LCI, en s’appuyant sur les conclusions d’un rapport de l’inspection générale des affaires sociales qui devait être rendu public lundi 23 octobre. Critiquant sans la nommer sa prédécesseure au ministère de la santé, Mme Buzyn a regretté « qu’on vote des lois sans se préoccuper de savoir si c’est faisable ».

Cette dispense d’avance de frais fonctionne déjà pour les femmes enceintes, les malades chroniques et certains patients précaires, pris en charge à 100 % par l’Assurance-maladie. Mais à partir du 1er décembre, tous les autres assurés sociaux auraient pu exiger de leur médecin de ne pas avancer la part prise en charge par la « Sécu », soit 16,50 euros sur une consultation « standard » à 25 euros. La loi ne prévoyait cependant pas de sanction pour les médecins refusant de l’appliquer. Après la censure partielle du Conseil constitutionnel en janvier 2016, l’avance de la part pris en charge par la complémentaire santé (soit 7,50 euros pour une consultation standard) était devenue optionnelle.

« Calendes grecques »

Cette annonce ministérielle était attendue dans la mesure où Emmanuel Macron s’était engagé pendant la campagne présidentielle à mettre en place un tiers payant « généralisable », c’est-à-dire étendu au maximum, sans forcer la main aux médecins. Au début de l’été, le gouvernement avait pourtant donné le sentiment d’hésiter sur la marche à suivre et avait multiplié les déclarations contradictoires. Le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, avait, par exemple, annoncé que la mesure entrerait comme prévu en vigueur au 1er décembre. Des représentants de médecins libéraux, hostiles au dispositif, s’étaient immédiatement dits prêts à relancer les hostilités et à démarrer une grève illimitée à partir de cette date.

Le tiers payant généralisé est-il pour autant enterré ? « Généralisable » signifie que « toutes les personnes qui en ont besoin puissent y accéder », a fait valoir Mme Buzyn dimanche, sans pour autant fixer de nouveau calendrier pour cet objectif. Pour Claude Pigement, qui avait introduit la mesure dans le programme santé de François Hollande en 2012, le dispositif est désormais « renvoyé aux calendes grecques ». « Après l’abandon de l’ISF, celui du tiers payant généralisé, il y a une cohérence dans ces abandons », tacle l’ancien responsable santé du PS.

Le ministère de la santé n’a par ailleurs pas précisé comment il comptait revenir sur l’obligation, inscrite dans la loi. Un amendement gouvernemental en ce sens sera-t-il déposé dans le cadre du projet de loi du financement de la Sécurité sociale dont l’examen débute mardi dans l’Hémicycle ? Lors de la discussion du texte en commission des affaires sociales, le rapporteur général, Olivier Véran (LRM), a proposé mercredi 18 octobre d’avoir un débat sur ce sujet « en séance avec la ministre ».