Le Brésilien Neymar a été expulsé, dimanche 22 octobre, lors du clasico (2-2) entre l’OM et le PSG. / BORIS HORVAT / AFP

Hagard, Steve Mandanda erre dans sa surface de réparation. Entre deux soupirs, le gardien et capitaine de l’Olympique de Marseille maudit le ciel tandis que ses coéquipiers, déçus, s’allongent sur la pelouse du Stade Vélodrome. Dimanche 22 octobre, en clôture de la 10e journée de Ligue 1, le club phocéen a encore manqué le coche face au Paris-Saint-Germain, son rival historique. Il s’en est pourtant fallu de peu. A une poignée de minutes près, l’OM offrait la victoire à son bouillonnant public. Un succès après lequel les joueurs marseillais courent depuis novembre 2011 et leur dernier triomphe en date contre le PSG version Qatar Sports Investments (QSI).

Malgré leur grinta et leur remarquable organisation, les joueurs entraînés par Rudi Garcia ont concédé le nul (2-2) face à des Parisiens au bord de la crise de nerfs et en infériorité numérique après l’expulsion de la star brésilienne Neymar (86e minute). S’ils ont mené deux fois au score grâce à des réalisations de Luiz Gustavo et de Florian Thauvin, les Olympiens ont échoué à prendre le large avant de céder dans les arrêts de jeu. Le salut du PSG est ainsi venu de l’Uruguayen Edinson Cavani, dont le splendide coup franc a heurté le dessous de la barre transversale de Mandanda et fini sa course dans les filets.

Six ans d’avanies

« On était tout proche, a soupiré Rudi Garcia, dont l’équipe stagne à la 5e place de Ligue 1. On est super frustrés. On est en progrès, mais cela n’a pas été suffisant pour battre le favori de la Ligue 1 et l’une des meilleures équipes d’Europe. » Le regard noir, l’entraîneur marseillais pouvait d’autant plus manifester son dépit que son équipe, appliquée et tonique, a fait ronronner le public du Vélodrome tout en donnant du fil à retordre au rival parisien.

Peu d’observateurs avaient pourtant misé un kopeck sur l’OM avant ce duel qu’on annonçait, au bas mot, déséquilibré. Comment la formation phocéenne, propriété de l’Américain Frank McCourt depuis un an, pouvait-elle tenir le choc face à Neymar et consorts, devenus des épouvantails en Ligue des champions, capables de renverser (3-0) les Allemands du Bayern Munich ?

Victorieux lors de ses quatre dernières visites au Vélodrome, le club de la capitale semblait avoir tué le concept même du clasico, événement médiatique inventé sous le règne de Bernard Tapie (1986-1994) à l’OM et de Canal+ au PSG (1991-2006).

Dans les rues ensoleillées, les supporteurs marseillais oscillaient entre aigreur et ironie à quelques heures du coup d’envoi. « Mbappé et Neymar, ils vont s’amuser », pouvait-on entendre à la station Rond point du Prado, à quelques encablures de l’enceinte.

Boulevard Michelet, la tension est montée d’un cran lorsque les forces de l’ordre et les pompiers ont dû intervenir pour éteindre d’impressionnants fumigènes. L’odeur âcre des lacrymos flottant dans l’air renvoyait les spectateurs aux antagonismes du passé. « On va les tuer ces Parisiens », s’égosillaient, au pied du Vélodrome, plusieurs dizaines de supporteurs, comme blessés dans leur orgueil, désireux de mettre un terme à six ans d’avanies.

A grand renfort de fumigènes, le public marseillais a d’emblée plongé l’enceinte dans les ténèbres. En sifflant copieusement, il a également offert au PSG une acoustique hostile. Vitrines de « l’OM champions project » de Frank McCourt, lequel a dépensé 120 millions d’euros en transferts depuis son arrivée, le Brésilien Luiz Gustavo et Dimitri Payet ont fait particulièrement souffrir les « visiteurs ».

La suffisance du PSG

Suffisants, minimisant l’enjeu de la rencontre, les joueurs parisiens ont livré une prestation décevante. En attestent le rythme sénatorial du milieu italo-brésilien Thiago Motta, peu percutant, et les erreurs techniques à répétition du latéral gauche Layvin Kurzawa. Quant au jeune prodige Kylian Mbappé, 18 ans, il a dû regretter d’avoir assimilé le clasico « à un match comme un autre », bien loin du faste d’une rencontre de Ligue des champions.

Spectral, l’ailier s’est enferré dans des dribbles inutiles tout en perdant sa lucidité au fil des minutes. Il a même écopé d’un carton jaune après avoir réclamé, en vain, un penalty sur une faute de main évidente de Jordan Amavi. Au terme de la rencontre, Kylian Mbappé a notamment critiqué la performance de l’arbitre, Ruddy Buquet. « On a pas mal de bâtons dans les roues sur certains faits de jeu. On ne veut pas faire les victimes ni accabler l’arbitre qui a eu beaucoup de pression. Mais il faut que les arbitres se mettent au niveau, a déclaré l’attaquant sur un ton aigre-doux. Et aujourd’hui, il n’a pas été au niveau. »

Neymar, à fleur de peau

Symbole d’une équipe parisienne un brin prétentieuse et à fleur de peau, le Brésilien Neymar a connu un premier clasico compliqué. S’il a inscrit le but égalisateur en première période, l’ex-buteur du FC Barcelone s’est entêté à vouloir mystifier ses adversaires, tombant dans la facilité et multipliant les raids solitaires. Techniquement au-dessus du lot, l’attaquant a même littéralement « disjoncté » lorsqu’il s’en est pris à Lucas Ocampos, auteur d’un croche-pied.

Déjà averti quelques minutes plus tôt, le joueur le plus cher de l’histoire du football (222 millions d’euros) a donc écopé d’un carton rouge sous les vivats du Vélodrome. Il a alors quitté la pelouse, arborant un sourire narquois. Cet accident de parcours intervient alors que les caprices de la star lors des séances d’entraînement ont été relayés, cette semaine, par l’Equipe.

En conférence de presse, l’entraîneur parisien Unai Emery a néanmoins tenu à le défendre. « Il faut protéger les joueurs. Le carton jaune, je crois que ce n’est pas juste pour Neymar, a assuré le technicien espagnol. C’est un joueur qui veut jouer, mais si tous les matches, il subit de la provocation, de l’agressivité… Je crois que c’est un travail de protéger les joueurs importants, et ce, dans les deux équipes. »

En liesse lors du but égalisateur inscrit par Edinson Cavani, Unai Emery peut souffler. Malmenée, son équipe sort finalement indemne du Vélodrome et étire sa série d’invincibilité face à l’OM à quinze matchs. « On a montré du caractère pour revenir au score », s’est félicité l’entraîneur parisien. Leader de Ligue 1, avec quatre points d’avance sur son dauphin monégasque, le PSG aura tout de même reçu un sérieux avertissement à Marseille.