« C’est moins pire qu’avant, mais le problème n’est pas réglé », a estimé Philippe Martinez à propos de l’accord européen sur les travailleurs détachés, trouvé lundi 23 octobre, au soir, entre les ministres du travail et des affaires sociales de l’Union européenne. « On a enfin reconnu qu’à travail égal il fallait un salaire égal », a reconnu le secrétaire général de la CGT.

Les ministres européens du travail et des affaires sociales se sont accordés lundi soir pour une révision de la directive de 1996 sur le travail détaché, accusée, notamment en France, de faire le lit du dumping social. La France, qui en avait fait une de ses priorités, a obtenu que la durée de détachement (prestation de service temporaire dans un autre pays membre) soit de douze mois maximum (avec un possible rallongement de six mois à la demande de l’entreprise). Emmanuel Macron s’est ainsi « réjoui » du résultat de cet accord, qui « devra être traduit dans les faits ».

« Cela va dans le bon sens », a commenté de son côté Jean-Claude Mailly, le leader de Force ouvrière (FO). La CGT comme FO déplorent toutefois que les ministres européens ne soient pas parvenus « à régler le problème des transports routiers ». Paris a en effet dû faire d’importantes concessions, notamment à l’Espagne, concernant le secteur du transport, qui bénéficie d’exemptions au travail détaché.

« Capitulation au regard des intérêts des travailleurs français »

Du côté de la politique, le compromis, qualifié d’« ambitieux » par l’Elysée, a fait tousser le leader du parti La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon. Dénonçant un « cruel trompe-l’œil », le député a regretté que les cotisations sociales des travailleurs détachés « restent payées dans le pays d’origine ». L’accord garantit aux salariés détachés une égalité de rémunération, primes comprises, dans le respect des conventions collectives, par rapport à leurs collègues du pays d’accueil. Seul le salaire minimum appliqué dans ce dernier leur était jusqu’alors assuré.

« C’est une capitulation au regard des intérêts des travailleurs et des entreprises françaises, […] qui sacrifie totalement le transport routier français » a déclaré la présidente du Front national, Marine Le Pen, à propos des concessions faites par la France dans le secteur des transports. Le parti de Marine Le Pen comme celui de Jean-Luc Mélenchon avaient tenu un discours ferme lors de la campagne présidentielle sur la question des travailleurs détachés.

Un « demi-accord »

L’Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) a, de son coté, dénoncé dans un communiqué un « demi-accord, qui plombe une fois de plus une activité ». L’OTRE juge les intérêts du transport routier français et des salariés sacrifiés aux intérêts des pays d’Europe centrale et de l’Espagne et juge la position du gouvernement français fragilisée pour les négociations à venir.

Michel Sapin, ancien ministre du travail, qui avait, en 2013, participé à une concertation avec ses homologues européens à propos du travail détaché, a pour sa part salué « un progrès », qui est un selon lui « un compromis positif ».

Parmi les 28 pays de l’UE, seuls quatre (la Pologne, la Hongrie, la Lettonie et la Lituanie) se sont opposés à cet accord, qui prévoit une révision de la directive de 1996. Trois pays se sont abstenus : le Royaume-Uni, l’Irlande et la Croatie.