Le Lazio lors d’une rencontre avec Cagliari le 22 octobre. / VINCENZO PINTO / AFP

Dans leur esprit, cette analogie est la pire des insultes. Les images sont apparues dimanche 22 octobre au stade olympique de Rome, tandis que se déroulait un très classique Lazio-Cagliari. Le virage nord du stade, fief traditionnel des ultras de la Lazio, ayant été fermé, à la suite de chants racistes lancés quelques semaines plus tôt lors d’un match contre Sassuolo, les ultras s’étaient installés dans le virage sud, où règnent traditionnellement les fans de l’autre grand club de Rome, l’AS Roma, avec qui ils partagent l’enceinte.

Comme pour laisser à leurs rivaux un souvenir impérissable de leur passage, ils n’ont rien trouvé de mieux que de fixer aux sièges des autocollants figurant un photomontage, dans lequel Anne Frank, l’adolescente juive néerlandaise morte dans le camp de concentration de Bergen Belsen en Allemagne, à quelques semaines de la fin de la semaine guerre mondiale, est revêtue du maillot de l’AS Rome. L’image, abondamment diffusée sur les réseaux sociaux, n’est pas inconnue des Romains : elle était déjà apparue sous forme d’affiches, dans les rues du quartier de Monti, en 2013.

« Dehors des stades les antisémites »

Aussitôt diffusé sur les réseaux sociaux, le photomontage a fait le tour du pays en quelques heures, provoquant une avalanche de réactions offusquées. « Il ne s’agit pas d’un virage, il ne s’agit pas de football, il ne s’agit pas de sport. Dehors des stades les antisémites », a immédiatement écrit, sur Twitter, Ruth Dureghello, présidente de la Communaité hébraïque de Rome, tandis que le ministre des sports, Luca Lotti, menaçait : « Ce qui s’est passé est très grave. Il n’y a aucune justification possible, ces actes doivent être condamnés sans réserve. »

Dans un communiqué diffusé lundi, la direction du club n’a pas manqué de prendre ses distances. « La Lazio a toujours condamné toute forme de racisme », a ainsi assuré le porte-parole du club, Arturo Diaconale. Mardi matin, le président du club, Claudio Lotito, a déposé une couronne de fleurs à la synagogue de Rome, avant d’annoncer sa volonté d’emmener chaque année 200 enfants à Auschwitz, « afin de leur faire prendre conscience de ce dont on parle ». Les représentants de la communauté juive n’ont pas accepté de le recevoir.

Nostalgie fasciste

Beaucoup soupçonnent en effet la direction du club de chercher surtout, par ces gestes, à éteindre l’incendie. Car la Lazio sait qu’elle risque gros dans l’affaire, tant les groupes d’ultras du club ont, en matière de provocations racistes et antisémites, un lourd passif. Croix gammées, chants racistes… le peuple laziale cultive traditionnellement la nostalgie fasciste. Et par le passé, le club n’a jamais vraiment cherché à mettre fin à ces agissements.

De provocations en provocations, les ultras de la Lazio ont souvent passé les bornes de l’ignoble, comme ce jour de 2011 où, lors d’un derby romain, la Curva Nord avait déployé deux gigantesques banderoles à destination de leurs adversaires romanistes, sur lesquelles on lisait : « Auschwitz est votre patrie, les fours sont vos maisons ». Quant au joueur laziale de plus aimé de ces vingt dernières années, Paolo Di Canio, il a plusieurs fois célébré ses buts et ses victoires par d’ostensibles saluts fascistes, devant les caméras de télévision. Aujourd’hui consultant pour Sky Sports, diffuseur de la Série A, il ne rate pas une occasion d’exhiber ses tatouages à la gloire de Mussolini.

Trois ultras de la Lazio, reconnus grâce aux caméras de surveillance, ont été identifiés mardi. La fédération italienne de football a décidé qu’une minute de silence serait observée dans les stades avant les matches de la prochaine journée et qu’un passage du Journal d’Anne Frank serait lu afin de dénoncer les actes des supporters de la Lazio de Rome. Pour la fédération, il est nécessaire de « condamner ces récents épisodes d’antisémitisme et de se souvenir de l’Holocauste ».