La transformation d’Engie (ex-GDF Suez) se poursuit. Après avoir décidé de vendre pour 15 milliards d’euros d’actifs entre 2015 et 2018, le groupe s’apprête à vendre une partie de son portefeuille d’activités de Gaz naturel liquéfié (GNL). Total est en négociations pour réaliser cette acquisition. « A ce stade, il ne peut être garanti que les discussions engagées avec les contreparties, notamment Total, permettront d’aboutir à un accord », précise toutefois Engie.

Pourquoi le GNL prend-il de l’importance ?

Le GNL (LNG en anglais) désigne le gaz naturel transformé sous forme liquide, après refroidissement à une température d’environ –161°C. Ce processus permet de transporter le gaz par bateau, plutôt que par gazoduc, et sur de très longues distances. C’est ainsi, par exemple, que le gaz du Qatar est exporté, en majorité vers la Corée du Sud ou le Japon.

L’arrivée à maturité des technologies de liquéfaction du gaz ces dernières années a provoqué une explosion des volumes échangés par ce biais, qui sont passés de 97 millions de tonnes par an en 2000 à 258 millions de tonnes en 2016, selon l’Union internationale du gaz.

Le GNL représente près de 10 % de la demande mondiale de gaz, elle-même en constante augmentation. « Le GNL est un marché en forte croissance, à la fois de la demande et de l’offre. La demande du côté asiatique croît beaucoup, avec de nouveaux importateurs comme la Chine, l’Inde et le Pakistan », explique Sébastien Zimmer, consultant chez Emerton.

Alors que les pays signataires de l’accord de Paris sur le climat cherchent tous à réduire leurs émissions de CO2, le gaz est perçu par certains acteurs comme une énergie moins polluante que le pétrole ou le charbon. Ainsi, la Chine en consomme de plus en plus pour réduire l’impact du charbon.

Pourquoi Engie se désengage du secteur ?

Engie précise qu’il s’agit uniquement des activités « amont » de la chaîne : liquéfaction, transport et négoce international de GNL. A l’inverse, ses activités de regazéification et de commercialisation en aval des terminaux ne sont pas concernées.

Les activités d’Engie en bout de chaîne ne sont pas concernées par la vente, notamment ses trois terminaux en France (Fos-Tonkin, Montoir-de-Bretagne et Fos-Cavaou). La première raison est purement économique : l’activité de négoce que s’apprête à vendre Engie est très fortement soumise aux variations du marché du gaz. Or celui-ci a été mis à mal par la montée en puissance du gaz de schiste aux Etats-Unis.

L’offre abondante due à la forte production américaine continue de tirer les prix vers le bas. Et le marché peut devenir risqué pour Engie. « Les prix du GNL ont plutôt baissé avec le développement du gaz de schiste américain », note Sébastien Zimmer de chez Emerton, qui note que « des projets d’exportation aux Etats-Unis sont en développement et vont arriver en production très bientôt ».

Mais ces cessions annoncées illustrent aussi la poursuite de la stratégie d’Engie, qui cherche à se recentrer sur des activités en aval plutôt qu’en amont de la chaîne énergétique. « On ne fait plus ce qui ne rentre pas dans nos activités », expliquait simplement, jeudi 19 octobre, Isabelle Kocher, la directrice générale du groupe.

Dans ce cadre, Engie s’est engagé à vendre 15 milliards d’euros d’actifs entre 2015 et 2018. 75 % de ces cessions ont déjà été effectuées, assure le groupe, particulièrement dans le charbon et le pétrole. L’entreprise est ainsi en train de vendre ses activités dans les hydrocarbures au britannique Neptune Energy.

Pourquoi Total pourrait être intéressé ?

Même si Total reste prudent à ce stade des discussions, l’entreprise admet qu’une telle acquisition ne serait pas dénuée d’intérêt. Le groupe pétrolier a lui aussi engagé une mutation, même si elle est moins visible que celle d’Engie. Autrefois centré sur le pétrole, il défend aujourd’hui un mix énergétique axé sur le gaz, jugé moins émetteur de CO2 que le pétrole.

« Le développement du GNL est un élément clé de la stratégie du groupe », répète-t-on chez Total. Le pétrolier a produit 11 millions de tonnes de GNL en 2016 et possède des participations dans 11 usines de liquéfaction et dans 5 terminaux de regazéification (dont celui de Dunkerque).

A l’inverse d’Engie, Total est producteur de gaz, et investir dans toute la chaîne de GNL peut permettre au groupe d’assurer la distribution de sa production. Le pétrolier français est ainsi associé au russe Novatek dans le gigantesque chantier Yamal LNG, en Sibérie, et participe au projet offshore Ichthys en Australie. Deux projets destinés à fournir massivement du gaz au marché asiatique.