Dans Brooklyn Yiddish comme dans la vie, l’acteur Menashe Lustig (à droite) a perdu la garde de son fils après la mort de sa femme. / Federica Valabrega

Joshua Z. Weinstein a voyagé en Inde, au Japon, en Ouganda et aux Philippines. De ces pérégrinations, ce réalisateur de documentaires a retenu un intérêt pour la diversité des cultures, et l’idée que les États-Unis ne constituent pas le centre du monde.

Pourtant, Brooklyn Yiddish, son premier film de fiction, a presque été tourné en bas de chez lui, à Brooklyn, à l’intérieur d’une des nombreuses communautés juives orthodoxes de cette partie de New York.

« Je me souviens de mon enfance à Brooklyn, chez mes grands-parents. Je regardais ces communautés. J’étais juif. Ils étaient juifs. Mais, par notre pratique, et notre regard, nous étions complètement déconnectés. C’était un monde à part, fascinant, moins fermé que capable de s’abstraire avec une impressionnante facilité de la modernité, et de son environnement. »

Tous les acteurs de Brooklyn Yiddish sont amateurs, dans une démarche, proche de celle de John Cassavetes, où ils sont pris en flagrant délit d’existence – notamment le personnage principal, un veuf, temporairement séparé de son fils sur injonction de son rabbin, en attendant de se remarier.

Le désarroi de la communauté

« C’est la situation dans laquelle se trouve actuellement l’acteur du film, Menashe Lustig, qui anime des fêtes religieuses dans la vie. Avec la mort de sa femme, il a perdu la garde de son fils et cherche à la récupérer. Les comédiens du film n’ont accepté d’y figurer qu’après avoir obtenu l’autorisation de leur rabbin. Lequel voulait faire passer un message avec un film montrant le désarroi d’une partie de sa communauté. »

Le film marque le retour du cinéma yiddish américain, vivace jusqu’au début des années 1950, dont la dernière production significative reste « Hester Street » (1975) de Joan Micklin Silver.

Il aura fallu sept ans à Joshua Z. Weinstein pour réaliser le film qui, fait rare, est tourné en
yiddish. Soit le mélange d’hébreu et d’allemand parlé par la majorité du monde juif en 1939, en grande partie disparue avec les communautés juives d’Europe en 1945. Dans certaines communautés orthodoxes, aux États-Unis et en Israël, le yiddish demeure une langue vivante, l’hébreu restant exclusivement celle de la prière.

Le film de Joshua Z. Weinstein est devenu le vestige surprenant d’une Atlantide que l’on croyait disparue, celle du cinéma yiddish américain, vivace jusqu’au début des années 1950, dont la dernière production significative reste Hester Street (1975) de Joan Micklin Silver, si l’on excepte le prologue d’A Serious Man (2009) des frères Coen, lui aussi en yiddish. « Diriger les comédiens en yiddish n’était pas simple, raconte le réalisateur. Je ne le parle pas, je disposais d’un interprète qui se querellait avec les comédiens sur les nuances de yiddish, sur tel mot à employer ou à bannir. En somme, je vivais une histoire juive. »

Brooklyn Yiddish, de Joshua Z. Weinstein, en salle le 25 octobre.