Le 17 juillet 2017, la cour de justice d’Istanbul ou les onze militants seront jugés. / Lefteris Pitarakis / AP

Leur arrestation avait suscité une vague de critiques à l’étranger, il y a plusieurs mois. Le procès de onze militants des droits de l’Homme s’ouvre mercredi 25 octobre en Turquie. Huit des accusés sont toujours en détention, dont Idil Eser, directrice d’Amnesty International (AI) en Turquie, et Taner Kiliç, président de l’ONG dans le pays, ainsi qu’un ressortissant allemand et un suédois.

Arrêté en juin et soupçonné de liens avec le putsch manqué du 15 juillet 2016 imputé par Ankara au prédicateur Fethullah Gülen, M. Kiliç est poursuivi pour « appartenance à une organisation terroriste armée ». Soupçonnés d’« aide à une organisation terroriste armée », les dix autres accusés ont été arrêtés en juillet lors d’un atelier de formation qui se tenait sur l’île de Büyükada, au large d’Istanbul. Ils risquent jusqu’à 15 ans de prison s’ils sont jugés coupables.

Selon l’acte d’accusation, ces militants ont voulu créer du « chaos » dans la société pour favoriser des manifestations anti-gouvernementales et ont aidé pas moins de trois « organisations terroristes » : le mouvement du prédicateur Gülen, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et un groupuscule d’extrême gauche appelé DHKP-C.

Pour Andrew Gardner, chercheur pour AI en Turquie, il s’agit de « poursuites complètement infondées qui ne reposent sur aucune preuve et ne résistent pas au moindre examen ». « Cette affaire est un test pour la justice turque », poursuit-il dans des déclarations à l’Agence France presse (AFP).

Des poursuites motivées par des « considérations politiques »

L’arrestation des militants et leur renvoi en justice ont renforcé les craintes liées aux atteintes aux libertés en Turquie depuis la tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016, suivie de purges massives au cours desquelles plus de 50 000 personnes ont été arrêtées et plus de 140 000 limogées ou suspendues.

« Dès leur placement en détention, il a été clair qu’il s’agissait de poursuites motivées par des considérations politiques, destinées à faire taire les voix critiques en Turquie », a déclaré John Dalhuisen, directeur du programme Europe d’AI dans un communiqué. « Si la justice peut être contournée par le biais d’une fiction dystopique tirée d’allégations absurdes et sans fondement, ce sera un jour sombre pour la justice turque et un triste présage pour l’avenir des droits humains dans le pays. »

M. Kiliç est notamment soupçonné d’avoir utilisé l’application de messagerie cryptée ByLock, que les autorités considèrent comme l’outil de communication privilégié des putschistes. Mais Amnesty affirme que deux expertises indépendantes de son téléphone, mandatées par l’ONG, n’ont révélé aucune trace d’un téléchargement de l’application.

Le soutien d’Edward Snowden

Amnesty a partagé lundi sur les réseaux sociaux une vidéo postée par Edward Snowden, lanceur d’alerte américain qui a révélé l’ampleur de la surveillance électronique par la NSA, dans laquelle il apporte son soutien aux militants emprisonnés, affirmant qu’ils sont détenus « pour avoir défendu les droits de l’Homme ».

« Je sais ce que c’est de recevoir du soutien de l’extérieur quand on est seul, quand on en a le plus besoin », déclare-t-il, appelant à une mobilisation pour « les défenseurs des droits de l’Homme en Turquie ».