« Robert Boulin a été tué ». Telle est, sans concession, la conclusion dressée par le journaliste Benoît Collombat au terme de l’enquête qu’il a mené pour « Envoyé Spécial » sur cette affaire qui hante les arcanes du pouvoir politique français depuis près de trente-huit ans.

Le 30 octobre 1979, Robert Boulin, alors ministre du travail de Valéry Giscard d’Estaing, est retrouvé mort dans un étang de la forêt de Rambouillet. « Un assassinat », clame dès le lendemain son ami Jacques Chaban-Delmas à la tribune de l’Assemblée Nationale ; « un suicide », selon le rapport officiel.

Ce sujet, Benoît Collombat, le connaît bien. Il y a consacré plusieurs documentaires. Et il continue de le creuser avec cette nouvelle enquête, extrêmement fouillée et minutieuse dans laquelle il revient sur la thèse officielle du suicide avancée à l’époque par tous les organes officiels de pouvoir. Plus précisément, il reconstruit (ou plutôt déconstruit), pièce par pièce, le puzzle de cette histoire politico-judiciaire complexe, pour mieux établir la thèse inverse. A savoir que Robert Boulin a bel et bien été assassiné. Par qui ? la question, elle, demeure en revanche toujours sans réponse.

Le 30 octobre 1979, le ministre Robert Boulin est retrouvé mort dans la forêt de Rambouillet. / Envoyé Spécial

« Que la France se regarde dans les yeux »

Durant sa reconstitution, le journaliste révèle les zones d’ombre et les dysfonctionnements qui ont irrigué l’instruction de ce dossier, dès le début. Autopsie manquée, gendarmes dessaisis de l’affaire, pompiers mis en garde : autant d’éléments qui remettent en cause la fiabilité de la première investigation menée dans les années 1980.

Benoît Collombat entend aussi des témoins précieux, restés silencieux pendant plus de trente ans, à l’image de Bernard Pons, ancien secrétaire général du RPR entre 1979 et 1984, qui s’exprime pour la première fois sur le sujet, à 91 ans. En effet, la plupart des protagonistes de l’époque sont soit décédés, soit dans l’incapacité d’en parler.

Robert Boulin était devenu l’homme à abattre – celui qui en savait trop ? – dans un contexte politique tendu. Passé notamment par les ministères stratégiques du budget et des finances, l’homme était au courant des financements plus ou moins licites des partis politiques. « Envoyé Spécial » revient à ce propos sur les affaires de corruption liées à de gros contrats de la Françafrique sur le nucléaire, l’armement ou encore le pétrole. Robert Boulin devait avoir eu connaissance de cet argent sale. Il aurait même, dit-on, conservé des dossiers à propos de ces contrats ; dossiers restés bien évidemment introuvables.

Les circonstances de sa mort et surtout l’identité de ses probables responsables restent, eux, opaques, malgré les nombreux éclairages apportés par le documentaire. En 2015, une nouvelle information judiciaire a été ouverte pour arrestation, enlèvement et séquestration suivie de mort ou d’assassinat. L’instruction est en cours et « il faudra quand même que la France se regarde dans les yeux », conclue sa fille, Fabienne Boulin-Burgeat.