Quarante-huit heures pour convaincre. Emmanuel Macron devait entamer jeudi 26 octobre une visite de deux jours en Guyane pour réaffirmer l’engagement de l’Etat en faveur de ce territoire immense, lointain et déshérité, six mois après le spectaculaire mouvement social qui avait paralysé le plus grand département français au printemps.

Comprendre la situation en Guyane en trois minutes
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Symboliquement, ce déplacement était prévu pour être le premier outre-mer, après l’élection de M. Macron. Mais l’ouragan Irma, à l’origine mi-septembre d’une visite présidentielle à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, en a décidé autrement. L’Elysée insiste toutefois sur le fait que Nicolas Sarkozy et François Hollande avaient attendu plus longtemps avant de se rendre en Guyane : début 2008 pour le premier, fin 2013 pour le second, soit « assez tard après leur élection », commente un conseiller.

Pour cette visite, Emmanuel Macron est accompagné du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, attendu lui aussi pour la 22e Conférence des régions ultrapériphériques qui se tient cette année à Cayenne, ainsi que de plusieurs ministres : Jean-Michel Blanquer (éducation nationale), Annick Girardin (outre-mer) et Sébastien Lecornu (écologie).

Plan d’urgence

Pendant la campagne présidentielle, M. Macron avait appelé la Guyane à « sortir d’une relation perverse » avec l’Hexagone et ajouté qu’il n’était pas le Père Noël. Plus tard, il avait promis qu’il tiendrait les engagements pris par l’Etat dans le cadre de l’accord pour la Guyane, signé le 21 avril. Un plan d’urgence de 1,08 milliard d’euros avait été décidé et le gouvernement avait pris acte de la demande de 2,1 milliards d’euros supplémentaires formulée par le collectif Pou Lagwiyann dékolé (« Pour que la Guyane décolle », en créole), porteur de ce vaste mouvement social né de l’exaspération des Guyanais devant une insécurité endémique et une explosion de l’immigration illégale.

Le collectif, qui réclame notamment le rattrapage économique et social du territoire, a demandé audience au président et appelé à manifester mercredi et jeudi. « La Guyane a voté pour vous au second tour [à 64,89 %], la plupart de nos élus appartiennent à votre groupe, nous avons le droit d’avoir des conditions de vie égales à [celles de] l’Hexagone », insiste dans un courrier le collectif qui avait affiché son mécontentement le mois dernier, lors de la venue d’Annick Girardin. L’Elysée a refusé de dire si M. Macron le recevra.

Lutte contre l’insécurité et l’immigration illégale

Désireux de « traiter les problèmes à la racine », le chef de l’Etat devait notamment faire des annonces en matière de lutte contre l’insécurité et l’immigration illégale, alors que le taux d’homicide est dix fois supérieur à celui de la métropole. La Guyane est aussi fortement exposée aux vols à main armée, au trafic de drogue et à l’exploitation clandestine de l’or, contre laquelle l’Etat tente difficilement de lutter depuis des années.

En baisse dans les sondages, le chef de l’Etat aura aussi à cœur de retisser les liens avec les Guyanais, qui avaient été froissés de le voir comparer la Guyane à une île, pendant la campagne. Une note sanitaire envoyée à la presse par l’Elysée avant la visite présidentielle a également exaspéré : le document mettait notamment en garde contre l’épidémie de Zika, terminée depuis un an. L’Elysée s’est excusé avant d’envoyer une nouvelle note, expurgée des recommandations les plus alarmistes.

M. Macron devait commencer sa visite jeudi à Maripasoula, la plus grande commune de France, presque entièrement recouverte par la forêt vierge et accessible uniquement en pirogue, par le fleuve Maroni, ou les airs, symbole de l’enclavement d’une partie du territoire. Il la terminera samedi par un discours devant les Assises des outre-mer.

La veille, le chef de l’Etat visitera le chantier du pas de tir d’Ariane VI, sur le centre spatial de Kourou. Contrairement à son prédécesseur, il ne se rendra pas dans la salle Jupiter du centre. En 2013, lors d’une visite à Kourou, François Hollande s’y était ébaudit, après avoir assisté à la simulation d’un tir de fusée. « C’est impressionnant d’être avec Jupiter, qui peut décider de tout ! », avait-il plaisanté. Loin de se douter un instant que son futur successeur à l’Elysée, alors simple conseiller au palais, se verrait un jour surnommé ainsi.