Les accrochages et échanges de tirs quotidiens entre forces gouvernementales et groupes rebelles rappellent que les trêves en Syrie demeurent fragiles. Et notamment dans la Ghouta orientale, une vaste enclave rebelle située aux portes de la capitale, Damas.

Depuis plusieurs semaines, le quartier de Jobar, une extrémité de ce territoire située à moins d’un kilomètre de la vieille ville de Damas, connaît ainsi un regain de violences. Bombardements et raids aériens ont tué 126 personnes dans la Ghouta ces trois derniers mois.

Hala, 2 ans, souffre de malnutrition, à la Ghouta, le 25 octobre. / ABDULMONAM EASSA / AFP

Mais des images prises par un photographe de l’Agence France-Presse révèlent cette semaine une autre mort, lente, qui rôde autour des habitants, conséquence d’un siège qui plonge le territoire rebelle dans une crise humanitaire. Ce sont des photos de nourrissons squelettiques aux yeux écarquillés, que des médecins tentent de maintenir en vie dans des hôpitaux et des installations rudimentaires. Ils souffrent de malnutrition.

Pour Sahar Dofdaa, il était trop tard. Elle est morte dimanche 22 octobre à l’âge de 34 jours. La balance sur laquelle une infirmière la pesait indiquait 1,925 kg. Sa mère, elle-même affamée, ne pouvait plus la nourrir. Une mort qui coïncide avec un anniversaire tragique : le siège de la région par les troupes du régime de Bachar Al-Assad a commencé il y a quatre ans, en octobre 2013. Dans cette enclave de moins de 100 km2, 370 000 personnes vivent en état de siège, dont la moitié sont des enfants, selon l’Unicef. Quatre-vingt mille de ces habitants avaient quitté d’autres villes en proie aux combats pour se réfugier dans la Ghouta.

L’Unicef, qui a mené récemment une évaluation dans la région, estime que sur 9 000 enfants pris en charge dans des établissements de santé, 1 200 souffrent de malnutrition aiguë. Une pathologie qui s’illustre par « un enfant fragile et squelettique qui a besoin d’un traitement urgent pour survivre », rappelle l’organisation internationale, qui craint que le phénomène ne s’accroisse.

« Proportions tragiques »

L’armée syrienne avait pourtant annoncé, le 22 juillet, un arrêt des combats dans la Ghouta orientale, l’un des derniers fiefs de la rébellion. La Russie, alliée du régime de Bachar Al-Assad, avait auparavant fait état d’un accord de trêve conclu avec des groupes rebelles. Depuis juillet, la Ghouta est une des quatre « zones de désescalade » instaurées en Syrie pour obtenir une trêve dans les combats. Elle devait à ce titre obtenir plus d’aide humanitaire, mais cette dernière ne peut entrer dans la région que sur autorisation du régime. Selon le bureau des affaires humanitaires de l’ONU, le dernier convoi ayant ravitaillé l’enclave est passé à la fin du mois de septembre. Ceci alors que les besoins sont « énormes », la situation pouvant rapidement prendre des « proportions tragiques », alerte le Comité international de la Croix-Rouge.

« Tous les accès à la région, désormais encerclée de toutes parts, sont aujourd’hui fermés. Y compris les chemins de contrebande agricoles qui maintenaient un lien entre la Ghouta et le monde extérieur, vers le nord-est de l’enclave, jusqu’au début de l’été », selon l’activiste local Yousef Al-Bostani. Aux mois de mai et juin, une série d’offensives avait permis aux forces gouvernementales de resserrer leur étau autour de la Ghouta.

Depuis l’enclave, Yousef Al-Bostani décrit un autre effet du siège. Un nœud coulant qui étrangle inexorablement les populations civiles : la misère et la solitude. « Il y a des milliers d’orphelins sans aucun soutien familial ; 70 % de la population active est au chômage. Les gens utilisent du bois pour se chauffer et cuisiner. Nous n’avons pas de gaz, ni mazout, ni électricité et l’accès à l’eau est un combat quotidien. Le manque d’eau potable annonce un prochain désastre sanitaire. » En quatre ans de siège et de combats, 18 000 personnes sont mortes dans l’enclave rebelle, selon des sources hospitalières locales.