Film sur TMC Cinéma à 22 h 35

The Fog (1980) - Official Trailer
Durée : 02:51

Un vieux marin s’adresse à des enfants transis assis sur une plage. Il est sur le point de leur raconter un de ces récits que l’on écoute à minuit, avant de se coucher. Un conte de terreur. Le début de Fog, ­quatrième long-métrage de John ­Carpenter, fonctionne sur un procédé de distanciation a priori un peu facile. Il y a pourtant quelque chose de légitime, et de juste, dans cette volonté du réalisateur de se poser comme un simple conteur d’histoires, comme l’accoucheur d’une régression enfantine qui, chez tout spectateur, ne demanderait qu’à ressurgir.

Lorsqu’il commence à tourner ses films, Carpenter s’adresse à un public qui a perdu sa crédulité. Comment dès lors redécouvrir les pouvoirs de la « peur cinématographique », alors qu’il est de plus en plus difficile d’être effrayé ? Fog est l’ultime volet de la première partie de l’œuvre du cinéaste, une réponse, après Assaut (1976) et Halloween (1978) surtout, en termes essentiellement formels et narratifs, à l’incrédulité dont souffre alors le cinéma de genre. C’est tout d’abord une histoire de fantômes. Ceux-ci représentent ici le remords collectif d’une communauté créée dans le cri­me. Les spectres de marins lépreux, devenus naufragés à cause des habitants d’un village qui a bâti sa prospérité sur ce méfait, reviennent cent ans plus tard pour ­accomplir leur vengeance.

Un sens inouï du concret

La qualité la plus remarquable du film tient à la manière de ne pas enjoliver de façon baroque les conventions, mais de dénuder jusqu’à l’essentiel la conduite du récit et de simplifier la causalité des péripéties. Carpenter sait désormais que la mémoire du genre, inscrite dans l’esprit du spectateur, permettra à celui-ci d’effectuer les raccords imaginaires nécessaires à son adhésion.

Le mal a ici la consistance polymorphe et vaporeuse d’une nap­pe de brouillard. Les monstres surgissent de partout, capables d’une irréelle ubiquité. Et tout est rendu crédible par un sens inouï du concret et de la mise en scène. Les personnages sont quelconques, quasiment interchangeables, mais leur absence de personnalité est transformée en atout par le cinéaste. Et à l’informe psychologique et térato­logique, il oppose la logique infernale d’une mise en scène ­chorégraphique.

Le montage unit les trajets de différents couples ou groupes de personnages, en un entrela­cement de linéaments. Un jeu subtil sur les horizontales et les verticales dépouille enfin l’ima­ge jusqu’à l’abstraction géométrique.

Fog, de John Carpenter. Avec Adrienne Barbeau, Jamie Lee Curtis, Janet Leigh (EU, 1980, 90 min).